dimanche 15 mars 2015

Mon avis sur "Sombre dimanche" d'Alice Zeniter

"Sombre dimanche" est  le 3ème roman d'Alice Zeniter.
Il a reçu le Prix du livre Inter 2013, le Prix des lecteurs de l'Express et celui de la Closerie des Lilas, rien de moins !

Ce roman a été sélectionné pour le Prix des Lecteurs du livre de poche.

Alice Zeniter a publié un premier roman à l'âge de 16 ans, "Deux moins un égal zéro" qui obtint le Prix littéraire de la ville de Caen 2003. En 2010, son second roman "Jusque dans nos bras" a également été très remarqué.

"Sombre dimanche" raconte 30 ans de la vie d'un pays, la Hongrie avant et après le communisme, d'un peuple et surtout d'une famille, les Mandy.

Les Mandy habitent de génération en génération la même maison en bois posée au bord des rails près de la gare Nyugati à Budapest. Le jeune Imre grandit dans un univers opaque, mélancolique, de non-dits et de secrets où Staline est toujours tenu pour responsable des malheurs de la famille. Même après l'effondrement de l'URSS, qui fait entrer dans la vie d'Imre les sex-shops, le consumérisme, et Kerstin, une jeune Allemande et une certaine idée de l'Ouest libre et heureux. Si le régime a changé, Imre sait bien que ce bonheur-là n'est pas pour lui.

A travers les 3 générations de cette famille c'est l'histoire de la Hongrie qu'Alice Zeniter nous raconte, du rapprochement avec l'Allemagne nazie en 1930, à la sortie du communisme en 1990 et l'espoir d'une liberté enfin retrouvée.
Malgré le changement de régime politique, le temps semble figé pour cette famille depuis que la grand-mère, Sara, est morte. Derrière les non-dits et la culpabilité, le grand-père noie son amertume dans l'alcool et les injures, le père dans une permanente rêverie triste. Le petit-fils, Imre souhaite à l'instar de sa sœur, s'émanciper. Et si son émancipation passait par le Diamond Sex Shop et la rencontre d'une californienne ? Mais du communisme au consumérisme, point de salut pour les Mandy qui restent impuissants à prendre leur destinée en mains. 

Alice Zeniter nous offre un beau texte qui nous enveloppe d'une douce mélancolie. Elle a le sens du récit, du détail et de la formule qui révèle toute la fragilité et les contradictions des personnages.

Le récit des premiers émois sexuels d'Imre est juste superbement écrit. Jugez plutôt :
"Ses tétons étaient sombres comme de petites statues de bois posées à la pointe des seins. Ils auraient pu rouler soudain, tant leur attache semblait fragile. Quand elle se pencha pour se savonner les pieds, il vit la peau plus foncée, violette, entre ses fesses, la fossette presque invisible de son anus. La sensation qu'il éprouva fut d'une violence surprenante. C'était un coup qui le cueillit au même moment à la tête et au ventre. Il eut l'impression de se disloquer. Sa peau brûla subitement malgré la sueur qui le couvrait. Et il eut faim, une faim terrible, comme si tout le sucre avait disparu de son corps. Il crut qu'il allait s'évanouir. En s'appuyant au mur, il réalisa que son érection était plus qu'évidente. Il la cacha des mains, surpris lui-même de sa propre dureté -il n'avait pas la présence d’esprit suffisante pour être fier. Le simple contact de ses doigts sur la bosse de son maillot de bain suffit à déclencher une éjaculation brève et maladroite. Imre grimaça, gémit aussi bas qu'il le pouvait, s'efforçant de faire face au mur. Après quelques secondes de spasmes minuscules, la stupidité de l'évènement le frappa. Il était sur le point de pleurer. Le contact du mur carrelé, froid et humide, était affreux. Imre se sentait très seul. Il aurait voulu pouvoir marcher jusqu'à la femme aux cheveux orange et la serrer fort contre lui, sous le jet irrégulier des douches. Il se contenta de fermer discrètement la porte et se dirigea en titubant vers le bac à glace où il piocha de larges poignées qu'il se colla sur le torse et le visage d'une telle force qu'il se fit saigner la lèvre."

Alors sombre mon dimanche ?
Absolument pas, bien que je doive bien l'avouer, je suis un peu déçue.
Pour un prix du livre Inter,  je m'attendais à mieux. J'aurai apprécié que l'auteure rajoute quelques pages (il n'y en a que 254) pour développer le contexte historico-politique.

Quoi qu'il en soit, Alice Zeniter mérite qu'on la lise !

Bonne lecture !


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