vendredi 2 décembre 2016

Mon avis sur "Un paquebot dans les arbres" de Valentine Goby

Valentine Goby est l'auteure d'une œuvre abondante et plusieurs fois récompensée. Elle écrit aussi bien pour les adultes que les enfants et ne craint pas d’aborder des thématiques historiques fortes. Un paquebot dans les arbres est son douzième roman et nous conduit à la rencontre des derniers « tubards » pendant les Trente Glorieuses.

Au milieu des années 1950, Mathilde sort à peine de l’enfance quand la tuberculose envoie son père et, plus tard, sa mère au sanatorium d’Aincourt. Cafetiers de La Roche-Guyon, ils ont été le cœur battant de ce village des boucles de la Seine, à une cinquantaine de kilomètres de Paris. Doué pour le bonheur mais totalement imprévoyant, ce couple aimant est ruiné par les soins tandis que le placement des enfants en famille d'accueil fait voler en éclats la cellule familiale, l’entraînant dans la spirale de la dépossession. En ce début des Trente Glorieuses au nom parfois trompeur, la Sécurité sociale protège presque exclusivement les salariés, et la pénicilline ne fait pas de miracle pour ceux qui par insouciance, méconnaissance ou dénuement tardent à solliciter la médecine.  Petite mère courage, Mathilde lutte sans relâche pour réunir cette famille en détresse, préserver la dignité de ses parents retirés dans ce sanatorium, modèle architectural des années 1930, ce grand paquebot blanc niché au milieu des arbres.

Un paquebot dans les arbres est inspiré de l'histoire familiale d’Élise Bellion qui a fait découvrir à l'auteure le sanatorium d’Aincourt, situé à une cinquantaine de kilomètres de Paris dans le Val d'Oise. 
A travers l'histoire de Mathilde, jeune fille tout juste sortie de l'enfance, écrasée sous le poids des responsabilités, déterminée à égayer les week-ends de ses parents internés, à arracher son petit frère aux familles d’accueil, Valentine Goby nous plonge dans la France des Trente Glorieuses, de la Sécurité sociale et des antibiotiques, qui donnent à certains l’illusion de l’immortalité. Pour les autres, la maladie reste, comme l'a dit Jean-Paul Sartre "une exagération des rapports de classe". Les salariés bénéficiaient d’une protection et d’un accès aux soins, les autres faisaient comme ils pouvaient.  

Tubards, Paul et Odile ont, pour se soigner, puisé dans leurs économies, hypothéqué leur maison, abandonné malgré eux leurs enfants. Un combat contre le Bacille de Koch pour les parents, un combat pour rester digne malgré la faim, pour lutter contre l'éclatement de la cellule familiale pour leur cadette tout juste émancipée. La légèreté a laissé place à la gravité. 
"Elle reçoit sa première vraie paie, c'est une nouveauté aussi. ... elle vous énoncerait au centime près le montant de ses premières cotisations, merveilleux mot, co-ti-sa-tions, qui fait d'une visite chez le médecin un acte de routine, d'une grippe un état passager, il allège les souffrances physiques avant même leur apparition, dissipe l'effroi de la ruine."
Un paquebot dans les arbres est un roman grave et touchant. Son auteure nous épargne tout pathos, tout misérabilisme mais saisit avec force et beauté, la détermination d'une jeune femme décidée à résister, à aimer et à lutter. Un paquebot dans les arbres est une histoire d'attachement, de liens familiaux plus forts que tout. Une jolie découverte.

Belle lecture !

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