dimanche 31 décembre 2017

Mon avis sur "Les Flamboyantes" de Robin Wasserman

Les flamboyantes est le dernier roman de Robin Wasserman. Il paraîtra le 17 janvier prochain. Bien que ne connaissant absolument pas cette auteure, c'est en premier lieu l'illustration de la couverture qui était à la une de la plateforme  NetGalley, qui a attiré mon attention. Le résumé a fini par me convaincre. Alors lorsque NetGalley m'a transmis en avant-première ce roman, c'est curieuse et intriguée que je me suis lancée dans cette lecture.
 
Battle Creek, 1991. Hannah Dexter est une jeune fille sage et solitaire, cible des sarcasmes de ses camarades de classe. Jusqu’au jour où le meneur de l’équipe de basket est retrouvé au fond des bois avec une balle dans le crâne et un revolver à la main. Cette tragédie, qui ébranle toute la ville, rapproche Hannah de Lacey, la nouvelle du lycée. Bientôt, Lacey et Hannah se jettent corps et âme dans les méandres d’une amitié exclusive, violente et toxique. Se croyant invulnérables, ces jeunes filles incandescentes, éprises de rébellion, s’enchantent du chaos qu’elles sèment derrière elles. Mais Lacey traîne un lourd secret qui menace de bouleverser leur amitié…

Les flamboyantes est un roman trash qui aborde l'adolescence et plus particulièrement l'amitié entre deux jeunes filles. C'est sur fond de Nirvana  et en référence au suicide de Kurt Cobain que l'auteure évoque le mal-être de ses héroïnes, leur besoin irrépressible de se mettre en danger et de réaliser toutes sortes d'expériences. Bien que l'état d'esprit de ces ados, leur émotions et leur mal de vivre soient parfaitement retranscrits, je dois bien avouer que je n'ai pas été emportée par cette lecture.

En effet, le fait qu'Hannah manque cruellement de personnalité, qu'elle voue une admiration sans discernement à son amie Lacey, que les situations se succèdent, qu'elles défilent sous nos yeux sans qu'il soit possible de savoir où l'auteure a voulu nous emmener, m'ont interrogé. Y avait-il seulement un message à saisir ? Si tel était le cas, il m'a complètement échappé. De surcroît, Les flamboyantes n'est pas sans rappeler Respire le film de Mélanie Laurent, qui n'est autre que l'adaptation du roman d'Anne-Sophie Brasme. Cette impression de déjà vu combinée à l'absence de message, a rendu ma dernière lecture de l'année 2017 plutôt poussive. Heureusement 2018 s'annonce sous de meilleurs  auspices.
 
Quoi qu'il en soit, je remercie NetGalley et vous souhaite de belles lectures à venir !
 

jeudi 28 décembre 2017

Mon avis sur "La promesse de l'aube" de Romain Gary

Il y a des adaptations cinématographiques qui donnent envie de lire ou relire les classiques. Tel est le cas du film d'Eric Barbier, La promesse de l'aube, l'adaptation du célèbre roman de Romain Gary avec Pierre Niney et Charlotte Gainsbourg. Impossible de voir le film sans m'être replongée dans ce roman incontournable de la littérature.

Difficile de parler d'un tel monument. Que dire, si ce n'est que tout a  déjà été dit ? Ma chronique ne me permettra certainement pas de décrocher le prix Goncourt (encore que, avec un peu d'ambition...), mais elle a le mérite de rendre hommage à un Auteur ô combien talentueux.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, et bien que le récit soit ponctué d'anecdotes,  La promesse de l'aube n'est pas un roman autobiographique, c'est avant tout l'hommage d'un fils à sa mère. Et oui, La promesse de l'aube est un roman qui traite de l'amour inconditionnel qu'une mère voue à son fils unique. Une mère qui nourrit une ambition sans borne pour sa progéniture, qui lui promet un destin tellement exceptionnel, qu'elle est prête à tous les sacrifices pour qu'il se concrétise.  Si l'ambition que la mère de Romain Gary vouait à son fils a fait de lui un grand homme et l'auteur reconnu qu'il est devenu, son amour incommensurable le condamnera "à manger froid jusqu'à la fin de ses jours" puisque Romain Gary réalisera qu'aucune autre femme ne pourra égaler cet amour.

La promesse de l'aube est un roman à (re)découvrir ne serait-ce que pour la plume de son auteur, pour sa sensibilité, pour la déclaration d'amour d'une mère à son fils et inversement d'un fils à sa mère, pour l'amour tout simplement, pour l'ambition insensée qui pousse un homme à donner le meilleur de lui-même pour atteindre l'inatteignable. En deux mots, lisez-le !

La promesse de l'aube est un livre touchant, une œuvre magistrale. En dirais-je autant du film d'Eric Barbier ?


Belle lecture suivie d'une bonne toile !
 

jeudi 14 décembre 2017

Mon avis sur "Une chaise jaune au bout du couloir B" de Philippe Didier

Rares sont ceux qui ont le talent de pouvoir embarquer le lecteur dans un univers très singulier en quelques mots, quelques pages. Les  Éditions Border Line et Philippe Didier sont de ceux-là. Je les ai découverts à l'occasion du Prix Hors Concours en lisant un extrait de trois pages d'Une chaise jaune au bout du couloir B.  De suite j'ai été conquise par la plume de l'auteur, par l'atmosphère de cet hôpital psychiatrique. Un véritable coup de cœur ! Alors d'une lecture de trois pages, je suis passée à celle du roman...

Il est reclus volontaire parmi les fous, confiné dans l’étroit couloir B de l’hôpital psychiatrique d’une ville de province sans nom. On ne sait pas quelle est sa part de folie, ou même si cette part de folie n’est pas également la nôtre… Il ne parle pas -ainsi l’a-t-il décidé- si ce n’est à lui-même. Son monologue, vibrant, nous livre, par petites touches imprécises, les raisons qui lui firent choisir l’asile plutôt que la vie, la vraie, celle qui grouille et vrombit au-delà du mur d’enceinte… Jusqu’au jour où, poussé par le souvenir toujours ardent de Sophie, il brise enfin ses chaînes, et retourne à la vie aussi soudainement qu’il s’en était extrait. Et c’est en homme libre et déterminé qu’il marche vers elle, pour tout recommencer, autrement…
 
Une chaise jaune au bout du couloir B n'est paraît-il que le second roman de Philippe Didier. Une sacrée performance ! Il explore la folie, cette douleur d’être avec une sensibilité et une profondeur comme on en rencontre rarement en littérature. Chaque pensée nous embarque un peu plus aux tréfonds de l'âme d'un homme torturé qui a choisi de s'enfermer dans son mutisme assourdissant. Il ne parle pas, mais il pense. Les jours, les années passent et il attend dans son couloir. Il attend de comprendre et comprend enfin, qu'il n'y a rien à attendre.  Rien à attendre, jusqu'au jour où il entend un prénom. Sophie agit tel un sésame. Sophie et soudain une porte de la mémoire de cet homme s'ouvre et qui sait, un avenir différent peut-être se dessine.
 
Une chaise jaune au bout du couloir B est un roman à la fois sombre et lumineux, tellement humain, tellement sensible qu'il est impossible de ne pas se laisser bercer par la voix intérieure de cet homme emporté par la folie. Quant à la plume de Philippe Didier, elle magnifie ce couloir B, cet univers fait de camisoles, d'isolement et de molécules destinées à endormir le fou qui sommeille en chacun de nous ce, jusqu'à la dernière page où tout définitivement bascule....
 
Une Chaise jaune au bout du couloir B est publié aux Éditions Border Line, cette maison d'édition qui depuis 2012 partage les valeurs de l’Économie Sociale et Solidaire, qui se démarque des autres parce qu'elle est sur le fil du rasoir. Elle prône la tolérance, le respect des différences, le développement par l’enrichissement dû à nos différences, la prise de risques pour se dépasser, l’humain à tous les étages pour évoluer ensemble. Par la culture, donc par la conscience de soi et de l’autre, elle n'a qu'une volonté, partager des connaissances et des émotions. Il suffit de regarder la première de couv superbement illustrée par Yann Lovato pour se rendre compte qu'au-delà du discours, il y a l'action. Aucun doute, chez Border Line, tous les arts se croisent.
 
Une Chaise jaune au bout du couloir B de Philippe Didier, c'est exactement tout cela et bien plus encore. Un conseil, lisez-le et soutenez cette maison d'édition tellement Borderline !
 
Belle lecture !
 

dimanche 3 décembre 2017

Mon avis sur "Le jour des morts" de Nicolas Lebel

C'était un de mes objectifs, découvrir l'univers de Nicolas Lebel. Et comme novembre rime avec Toussaint, rien de mieux que de lire Le jour des morts. Un polar de saison, mais pas que...
 
Paris à la Toussaint. Le capitaine Mehrlicht, les lieutenants Dossantos et Latour sont appelés à l'hôpital Saint-Antoine : un patient vient d'y être empoisonné. Le lendemain, c'est une famille entière qui est retrouvée sans vie dans un appartement des Champs-Élysées. Puis un couple de retraités à Courbevoie... Tandis que les cadavres bleutés s'empilent, la France prend peur : celle qu'on surnomme bientôt l'Empoisonneuse est à l'œuvre et semble au hasard décimer des familles aux quatre coins de France depuis plus de quarante ans. Les médias s'enflamment alors que la police tarde à arrêter la coupable et à fournir des réponses : qui est cette jeune femme d'une trentaine d'années que de nombreux témoins ont croisée ?
 
Dès les premières pages, nous voici embarqués aux côtés du capitaine Mehrlicht et son équipe aussi réduite que soudée. D’emblée, ce sont les personnages qui attirent. Ils ont tous de l'épaisseur, sont tous parfaitement travaillés, racés.  Mehrlicht est une espèce d'ours mal léché au grand cœur et à la répartie aux petits oignons. C'est un régal de lire les bons mots de cet épicurien. Quant au lieutenant Dossantos, c'est un flic érudit, passionné, capable pour chaque infraction de citer précisément l'article du Code pénal qui la sanctionne. Sophie  Latour est la touche féminine de l'équipe. Amoureuse d'un sans-papier, elle n'a qu'une obsession, le faire naturaliser. Et pour compléter ce fabuleux trio, voici que débarque un stagiaire, Lagnac. Un beau gosse insupportable, fils de... Une vraie caricature de sale type, qui sans le piston de son père ne serait bon qu'à faire le café. Et encore...

Côté intrigue, nous ne sommes pas en reste. Elle est parfaitement construite, rythmée. Tout commence à l'hôpital Saint-Antoine à Paris pour nous embarquer dans le limousin nous renvoyant à une époque sombre de notre histoire. Aucun temps mort, l'intrigue court sur plusieurs générations. En parallèle de l'enquête on croise un collectionneur amoureux de beaux livres anciens et son bouquiniste passionné, des hommes et femmes de pouvoir qui viennent alimenter l'intrigue sans oublier la référence au plaidoyer contre la peine de mort de Victor Hugo.

Le jour des morts est un polar de très bonne facture. Nicolas Lebel, linguiste et enseignant, nous propose une écriture riche, des personnages hauts en couleurs qui ont de l'épaisseur, une intrigue parfaitement ficelée. Tout est réuni  pour oublier la grisaille automnale et passer un très bon moment.
 
Belle lecture !
 

jeudi 30 novembre 2017

Mon avis sur "Le couple d'à côté" de Shari Lapena

Il y a des livres qui ne devraient pas être lus par certains. Le couple d'à coté  est de ceux là. En effet, si vous êtes parent d'un bébé de quelques mois, que pour autant, vous n'avez pas renoncé à votre vie sociale et qu'il vous arrive de faire appel à une baby-sitter, un conseil, passez à ma prochaine chronique, à défaut, vous risqueriez d'annuler toutes vos sorties jusqu'à la majorité de votre progéniture...

Anne et Marco sont invités à dîner chez leurs voisins. Au dernier moment, la baby-sitter leur fait faux bond. Qu'à cela ne tienne : ils ont la solution, le baby-phone. Toutes les demi-heures ils passeront surveiller leur bébé, mais la soirée s'étire. La dernière fois qu'ils sont allés la voir, Cora dormait à poing fermés. Mais de retour tard dans la nuit, l'impensable s'est produit : le berceau est vide. Pour la première fois, ce couple apparemment sans histoire voit débarquer la police chez lui. Or, la police ne s'arrête pas aux apparences... Qu'est ce que l'enquête va bien pouvoir mettre à jour ?
 
Le couple d'à coté de Shari Lapena est un thriller psychologique. Bien qu'il ne renouvellera pas  le genre, sa lecture reste plaisante. L'auteure sait titiller la curiosité du lecteur. Au fil des pages, elle révèle la psychologie et par là-même, le côté sombre de chacun des personnages, de sorte que tous deviennent des suspects. Entre la mère en pleine dépression post-partum, le père en proie à de sérieuses difficultés financières prêt à tout pour sauver sa petite entreprise qui connaît la crise, les grands-parents richissimes qui détestent ouvertement leur gendre, l'aguichante voisine qui s'envoie en l'air avec tout ce qui bouge, il devient impossible de se fier aux apparences. Chacun d'entre eux aurait pu enlever la petite Cora. Reste à savoir si le coupable est réellement parmi eux.
 
Bien que très classique par son intrigue et sa construction, Le couple d'à coté  est un thriller au rythme assez soutenu, plaisant à lire sans toutefois être transcendant. Il ne laissera certainement pas un souvenir impérissable au lecteur, mais il a le mérite de le divertir à l'instar d'un bon téléfilm.
 
Un grand merci à NetGalley et aux Presses de la cité pour leur confiance.
 
Et à tou(te)s, une belle lecture !
 

mardi 28 novembre 2017

Mon avis sur "Le livre que je ne voulais pas écrire" d'Erwan Larher

Voici deux ans que l'indicible s'est produit. Comment l'oublier ? Cet évènement nous a tous bouleversés. Il y ceux qui l'ont vécu de l'intérieur et les autres. Il y a ceux qui en ont écrit des livres et celui qui ne voulait surtout pas en écrire un. Pourtant lui est écrivain. Ecrivain et amateur de Rock. Le 13 novembre 2015, il était au Bataclan. Il, c'est Erwan Larher. Le livre que je ne voulais pas écrire est le livre qu'il a fini par écrire après une discussion dans le TGV avec ses amis Alice Zeniter et Manuel Candré. Ce livre réunit histoire intime et drame collectif, ce n'est ni un roman, ni un témoignage, c'est juste un livre que l'on n'aurait jamais dû avoir à lire, mais puisqu'il existe maintenant, il doit être lu de tous.
 
Le livre que je ne voulais pas écrire s'ouvre sur l'histoire d'un môme qui découvre la musique, celle qui sera un exécutoire pour l'enfant sage  et obéissant qu'il est. Cette musique, c'est le Rock. C'est son amour pour cette musique qui le mènera à la violence. Non pas parce qu'elle l'aura rendu violent, mais parce qu'un soir, des années plus tard, ce môme qui a grandi se trouvera au mauvais endroit, au mauvais moment. Cette violence arrivera un 13 novembre 2015 à 21h40, ou 42, ou 47, difficile de se mettre d'accord.  Ce môme est devenu romancier. Il invente des histoires, des intrigues, des personnages, et, il l'espère, une langue pour dire et questionner le monde, l'humain. Ce qui lui est arrivé est une tuile pour le romancier qui partage sa vie. De cette mésaventure, il ne voulait pas écrire de livre. Il ne voulait pas l'écrire parce que selon lui, ce soir-là, il n'a rien fait qui mérite d'être su, connu, médité, relayé ou commenté par ses semblables. Et puis, au cours d'une conversation le mot magique a été prononcé. Ce mot c'est "Partager".

Pour mettre une certaine distance avec la terreur et le chaos intérieur qu'il a connus ce soir là, Erwan Larher a décidé de s'extraire de lui-même, d'utiliser l'autodérision et l'humour pour raconter l'irracontable. Cette approche fait de  ce livre un OLNI, un objet littéraire comme le nomme son auteur. Le livre que je ne voulais pas écrire  nous fait sortir des sentiers battus de la littérature. Oubliez les codes. Ce livre est polyphonique, alternant le "je", le "tu" et le "il", mêlant la voix de l'écrivain qui a vécu les évènements de l'intérieur à celle des amis, vu du dehors. Erwan Larher va même jusqu'à s'immiscer dans les pensées des assaillants. Les mots sont toujours justes, parfaitement choisis. L'auteur parvient à partager la peur, la souffrance, le chaos, les HURLEMENTS, sans jamais verser dans le pathos. Une vraie performance.
 
Puis une fois secouru, vient le temps des soins, celui de la reconstruction et de la reconquête de son intimité. De l'intérieur à ce qu'il y a de plus intime, il n'y avait qu'une balle. Une balle reçue à bout portant dans les fesses. Cette balle a anéanti la virilité d'Erwan Larher. Avec beaucoup de pudeur et d'humour il partage son angoisse dans ce qu'il a de plus intime. Il en est terriblement touchant parce que face à la douleur de ceux qui ont perdu un être cher, ceux qui ont perdu l'usage de leurs membres, la perte du sien, n'est rien et tellement à la fois. Ses réflexions, sa mise à nu sont subtilement dosées.
 
L'écriture d'Erwan Larher et son approche  font de cet objet littéraire un livre intelligent, fin. Tout n'est que respect pour les victimes, pour tous ceux qui sont intervenus sur les lieux, pour le personnel hospitalier à qui Erwan Larher rend un hommage vibrant. L'auteur échappe au piège du sensationnalisme et du pathos grâce à la sincérité, la sobriété et la subtilité de ses propos. Le livre que je ne voulais pas écrire  prend le contrepied de ce qu'il aurait pu être. Il parle moins de mort et de haine que de vie et d’amour, moins de barbarie que d’humanité, il prive les terroristes de leur victoire.
 
Le livre que je ne voulais pas écrire est l'un des cinq  finalistes du Prix Hors Concours, dont j'ai intégré l'Académie des lecteurs. Je ne surprendrais personne en révélant avoir voté pour cet objet littéraire parfaitement identifié. Il est pour moi une bien belle révélation de cette dernière rentrée littéraire. Que des maisons d'édition se paient le luxe de choisir l'insolite, le singulier, les auteurs plutôt que des livres, me ravit. Telle est la philosophie de Quidam Editeur qui se consacre à la littérature contemporaine, française et étrangère. Ils n’éditent que ce qu'ils souhaitent défendre et publient peu. Cette maison d'édition peut être fière d'avoir publié Erwarn Larher, qui je l'espère sera primé lundi prochain...
 
Belle lecture à tou(te)s et Vive la Vie !

dimanche 12 novembre 2017

Mon avis sur "Frappe-toi le coeur" d'Amélie Nothomb

Une rentrée littéraire sans Amélie Nothomb n'en serait pas tout à fait une... Cette année, c'est un véritable petit bijou que l'auteure nous propose. Frappe-toi le cœur est un conte acide mais ô combien délicieux qui traite essentiellement de la jalousie entre mère et fille.
 
Dans sa petite ville de province, la jolie Marie, dix-neuf ans, ne prend plaisir qu'à travers le regard des autres, ces autres qui l'envient. Alors, lorsque le plus bel homme dont toutes les filles de la ville raffolent, s'intéresse à elle, Marie l'épousera. De leur union, naitront  trois enfants. Diane, Nicolas et Célia. Marie accueillera différemment ses progénitures et ne les dotera pas du même amour. Diane, l'aînée, un ravissant bébé admiré de tous, en sera totalement dépourvu dès sa naissance. Jalousée par sa propre mère, c'est privée de tout amour maternel qu'elle devra grandir. Son frère, Nicolas, aura la chance de connaître cet amour, quant à Célia sa petite sœur, elle en sera étouffée. Éminemment brillante et consciente du rejet dont elle est victime, Diane dépassera la jalousie maladive de sa mère et ne se consacrera qu'à ses études de médecine. Elle optera pour la filière cardiologie et deviendra l'assistante d'une chercheuse reconnue mais ô combien méprisante. Cette dernière deviendra t-elle cette mère qui lui a tant fait défaut ?

C'est en référence à un vers d'Alfred de Musset "Frappe-toi le cœur, c'est là qu'est le génie" que Diane choisira sa spécialité médicale et qu'Amélie Nothomb désignera son dernier roman. Et de génie, il n'est question que de cela.

En effet, aborder en seulement 182 pages les thématiques de l'amour maternel,  des relations entre femmes en général et des relations mère - fille en particulier, de la jalousie, de l'envie, des rivalités, de la manipulation, du pouvoir et de la violence des relations humaines, le tout à travers le destin d'un seul personnage, si cela ne relève pas du génie, je ne sais pas ce que c'est !

Je vous le dis, Frappe-toi le cœur est un incontournable de la rentrée littéraire 2017. Il est à lire, que dis-je, à dévorer sans modération. D'une justesse absolue, l'écriture d'Amélie Nothomb est concise, précise, percutante. Son style est épuré, dépouillé comme s'il ne fallait surtout pas encombrer le lecteur de détails inutiles et ne pas détourner son attention du sujet dominant, à savoir, l'envie. Vous aurais-je seulement donné envie de lire Frappe-toi le cœur ?

Belle lecture !
 
 

mardi 24 octobre 2017

Mon avis sur "Roland est mort" de Nicolas Robin

N'en déplaise à certains, c'est grâce à Gérard Collard et à La Griffe Noire que j'ai découvert non seulement Nicolas Robin mais également son quatrième roman, Roland est mort. Et bien voilà, Roland s'en est allé. Mireille aurait pu en faire une chanson, mais Nicolas Robin a décidé d'en faire un roman. Mais qui est donc ce Roland, un preux chevalier ? Pas si sûr. 

Roland est mort. Les sapeurs pompiers l'ont retrouvé la tête dans la gamelle du chien. Lorsqu'ils viennent enlever le corps, ils découvrent un caniche dont ils se débarrassent en le confiant au voisin de palier, un homme proche de la quarantaine, au chômage, très seul. Roland est mort depuis une semaine. Son voisin ne le connaissait pas vraiment, mais il aurait dû s'en douter : il n’'entendait plus les chansons de Mireille Mathieu, derrière le mur. Il écope donc du chien puis de l'urne contenant les cendres du défunt. Que faire de ce lourd héritage chargé de poils et de céramique ? Le voisin va tout tenter pour s'en débarrasser, mais en a-t-il vraiment envie ?

Roland est mort est un de ces romans qui se dévore, plus qu'il ne se lit. Il se dévore parce qu'il nous touche. Il nous touche parce que le burlesque du départ n'est que prétexte pour évoquer les oubliés, les laissés pour compte, les invisibles, ceux qui souffrent de cet isolement social, de cette solitude urbaine.

En effet, c'est avec beaucoup d'humanité et de tendresse que Nicolas Robin aborde ce fléau des temps modernes à travers essentiellement deux personnages que tout semble opposer. L'un meurt dans l'ignorance la plus totale et ne manque à personne, l'autre bien qu'en bonne santé, n'est guère plus attendu. Le célibat et le chômage mettraient-ils au ban de notre Société ceux qui en sont frappés ?

A travers des situations cocasses, sous ses airs désinvoltes, son récit intimiste, l'auteur interpelle, il nous incite à ouvrir les yeux, à lutter contre l'indifférence. Le ton de son livre est un poil caustique pour mieux frapper les esprits. L'écriture est fluide, la malice nichée au creux de chaque page. Au final, Roland est mort  est un roman empreint d'une grande sensibilité, sans prétention, mais réussi.

Belle lecture !

mardi 10 octobre 2017

Mon avis sur "Le sympathisant" de Viet Thanh Nguyen

Décidément le Vietnam est à l'honneur en cette rentrée.  Á l'heure où Arte TV a diffusé la superbe fresque documentaire réalisée par Ken Burns et Lynn Novick faisant revivre la guerre du Vietnam et retraçant trente ans de soulèvements et de destructions, les Éditions Belfond publient le premier roman de Viet Thanh Nguyen, Le sympathisant lequel a reçu le prix Edgar-Allan-Poe du meilleur premier roman et le prix Pulitzer de la fiction. Allez, direction le Vietnam des années 1970...

Avril 1975, Saïgon est en plein chaos. À l'abri d'une villa, entre deux whiskies, un Général de l'armée du Sud Vietnam et son Capitaine dressent la liste de ceux à qui ils vont délivrer le plus précieux des sésames : une place dans les derniers avions qui décollent encore de la ville. Mais ce que le Général ignore, c'est que son Capitaine est un agent double au service des communistes. Arrivé en Californie, tandis que le Général et ses compatriotes exilés tentent de recréer un petit bout de Vietnam sous le soleil de L.A., notre homme observe et rend des comptes dans des lettres codées à son meilleur ami resté au pays. Dans ce microcosme où chacun soupçonne l'autre, notre homme lutte pour ne pas dévoiler sa véritable identité, parfois au prix de décisions aux conséquences dramatiques. 

Viet Thanh Nguyen est amérasien. Enfant, il a fui le Vietnam après la chute de Saïgon pour se réfugier aux Etats-Unis. Il a vécu la guerre, l'exil, le déracinement, les camps de réfugiés et le racisme. C'est justement parce qu'il a connu la guerre de l'intérieur et qu'il ne retrouvait pas son histoire dans les films ou les livres qui témoignaient de ce conflit, que Viet Thanh Nguyen a souhaité rétablir certaines vérités et imposé le point de vue des vietnamiens. C'est cette quête qui l'a conduit à écrire Le sympathisant. 
 
Le héros du sympathisant, dit le Capitaine, est lui eurasien. Il est né d'un père français et d'une mère vietnamienne. Tout comme Viet Thanh Nguyen, il est déchiré entre deux cultures. Nulle part, il n'est vraiment chez lui. Où qu'il aille, il est étranger. Alors lorsque le moment venu, il lui faut choisir, il se remémorera ce que sa mère lui disait "Tu n'es pas l'union de deux moitiés mais au contraire, tu as tout en double". Binational, il jouera de sa double culture. Il sera agent double. Envoyé comme espion aux Etats-Unis, il incarnera l'Occident et l'Orient, le capitaliste et communiste, l'humanité et l'inhumanité.
 
Le sympathisant est un roman foisonnant, dense et complexe qui oscille entre confessions, témoignages et œuvre politique. A l'instar du narrateur, il est double, drôle et léger, cynique et caustique. Viet Thanh Nguyen voulait juste écrire un bon roman qui rende hommage au peuple vietnamien. Malgré quelques longueurs, il a plus que rempli son objectif puisqu'il offre à ce peuple meurtri, rien de moins que le Prix Pulitzer.
 
Enfin, tous mes remerciements vont à NetGalley et aux Éditions Belfond qui m'ont permis de lire Le sympathisant alors qu'à cette même période, Arte TV diffusait cette fresque documentaire sur la guerre du Vietnam d'une exceptionnelle qualité. Je ne peux que vous conseiller de doubler cette lecture de cette série et inversement.


Vietnam - Fresque documentaire réalisée par 
Ken Burns et Lynn Novick - Arte TV
 
 
Belle lecture doublée d'une bonne série documentaire !
  

samedi 30 septembre 2017

Mon avis sur "Danser, encore" de Julie de Lestrange

Danser, encore est la suite de Hier encore, c'était l'été, le premier roman de Julie de Lestrange. J'avais aimé ce roman choral intergénérationnel résolument contemporain où enfants, parents et grands-parents cohabitent chacun avec leurs préoccupations, leurs doutes, leurs questionnements. Alors, lorsque Julie de Lestrange m'a proposé de lire en avant-première ce nouvel opus, j'ai tout de suite accepté. Et bien je peux vous l'avouer sans complexe, je ne le regrette absolument pas !  Quel bonheur de retrouver Alexandre, Marco et la bande...
 
Justement, parlons-en d'Alexandre, Marco, Sophie, Anouk et les autres. Ils connaissent une amitié de trente ans et autant d’amour, de blessures, de déceptions et de joies. Désormais adultes, certains  sont mariés, parents ou se cherchent encore. Tous sont confrontés au poids du quotidien et des responsabilités, à l’existence et ses tourments. Ils sont tous pétris de certitudes jusqu'au moment où un évènement les fera vaciller. Viendra alors le nécessaire besoin de respirer, de danser encore et surtout, celui de s’aimer.
Pour ne pas spoiler l'histoire, je ne dévoilerai rien de plus de Danser, encore. Je ne peux dire qu'une chose, qui résume assez bien son ambiance. Dès les premières pages m'est revenu à l'esprit une phrase que j'avais lue et qui ouvre le roman de Grégoire Delacourt, On ne voyait que le bonheur. Cette phrase est celle d'Henri Calet. Elle résume à elle seule l'émotion que j'ai ressentie. Cette phrase c'est "Ne me secouez pas, je suis plein de larmes". Pour autant, pas de méprise, Danser, encore n'est pas larmoyant, il est juste terriblement émouvant.
 
Danser, encore  est empreint d'une grande humanité, d'une belle sensibilité. C'est un hymne à la vie, à l'amour, un rappel à l'essentiel. C'est un réel bonheur de lecture. Il l'est parce que l'on retrouve avec un immense plaisir les personnages auxquels on s'identifie immédiatement. Comme un effet miroir, leurs préoccupations, leurs craintes, leurs peurs, leur angoisse sont les nôtres.  Alex, Marco et les autres sont tous profondément touchants parce qu'éminemment humains avec leurs certitudes, leurs failles et leur faiblesse. Ce n'est que parce que la plume de Julie de Lestrange est d'une justesse et d'une infinie sensibilité que tout n'est que crédibilité. C'est donc à regret que l'on referme ce roman mais avec l'irrépressible envie d'être en vie et de Danser, encore.
 
Je souhaite adresser mes plus sincères remerciements à Julie de Lestrange et à son éditeur, Mazarine, de m'avoir permis de vivre ce flot d'émotions. Une fois n'est pas coutume, je voudrai dire à Julie, avec qui j'ai l'occasion d'échanger parfois sur d'autres réseaux, combien j'apprécie son humanité et son engagement. Danser, encore n'est finalement que le reflet de sa personnalité. Bravo donc Julie et je vous souhaite un beau succès bien mérité. Et à vous autres, un conseil, lisez Danser, encore quand bien même vous n'auriez pas lu Hier encore, c'était l'été, le second se lit indépendamment du premier.
 
Belle lecture et n'oubliez pas de Danser, encore. Let's dance !
 
 
 
 

mardi 26 septembre 2017

Mon avis sur "L'amie prodigieuse - Tome 2 : Le nouveau nom" d'Elena Ferrante

Commencée il y a peu, cette saga à succès ne m'a pas transportée. Certes, le Tome 1 pose les bases, il plante le décor et la psychologie des personnages que l'auteure nous invite à suivre quatre tomes durant, de l'enfance jusqu'à leur soixante-dixième anniversaire. Avec Le nouveau nom, on entre vraiment dans le vif de l'histoire. Allais-je enfin devenir addict ?
 
Le nouveau nom prolonge le parcours de Lila Cerullo et Elena Greco, adolescentes inséparables qui tentent d'échapper à leur destin. Aux études, la brillante Lila préfère se marier à  l'épicier Stefano Carracci, elle deviendra riche et travaillera dans la nouvelle boutique de sa belle-famille.  De son côté, Elena, la narratrice, continue ses études au lycée et est toujours secrètement amoureuse de Nino Sarratore. Puis vient le temps des vacances. Les deux amies partent pour Ischia, où elles retrouvent ce dernier. À la fin de cet été particulièrement torride, le destin des deux amies va basculer. Des ruptures s'annoncent...
 
Le nouveau nom s'ouvre sur une scène particulièrement insoutenable. Être  femme et échapper à sa condition n'est pas chose aisée dans les années soixante, surtout lorsque l'on a des velléités d'indépendance. La société d'alors est très machiste. Les hommes dominent les femmes et n'hésitent pas à imposer par tous moyens leur vision du mariage et du rôle de la gent féminine. Elena Ferrante décrit avec justesse le contexte sociétal dans lequel évolue ses héroïnes et c'est là tout l'intérêt de cet opus. Pour le reste, les relations entre les amies sont évoquées à travers leur vie sentimentale mais également leur rivalité qui ne cesse de s'accroître. Avec le temps, Lila a un tempérament de plus en plus marqué, tandis qu'Elena est de plus en plus effacée, elle accepte tous les coups bas de son amie, même les plus inacceptables. Son manque de personnalité agace, au même titre que l'égoïsme de Lila la rend vraiment antipathique. Mais alors, où se niche l'amitié entre ces deux jeunes femmes ?

Malgré un début prometteur, ce second opus ne m'a pas plus convaincue que le premier. En effet, si j'ai réellement apprécié l'évocation du contexte sociétal de cette partie de l'Italie confrontée à la camorra, je ne peux en dire autant des situations vécues par Lila et Elena. Les nombreuses digressions quant à leurs états d'âme, combinées aux innombrables longueurs auront eu raison de ma patience. C'est donc sans regret que je mets un terme à la lecture de cette saga. Il n'empêche que son succès m'interpelle ? Certes, tous les goûts sont dans la nature,  mais il me semble que cette success-story  tient  essentiellement à  l'anonymat de son auteure. La fascination pour ce phénomène aveuglerait-elle les lecteurs au point qu'ils en oublieraient de jeter une œil critique sur l'histoire qui leur est narrée et sa qualité littéraire ?  Tout ceci demeurera une énigme pour moi. Mais j'ai tant de livres encore à lire que je saurai la dépasser.
 
Belle lecture à tout(te)s !


mardi 12 septembre 2017

Mon avis sur "Toutes les familles heureuses" de Hervé Le Tellier

Le dernier chapitre du roman d'Hervé Le Tellier s'ouvre avec cette citation de Tolstoï extraite d'Anna Karénine "Toutes les familles heureuses se ressemblent ; chaque famille malheureuse l'est à sa façon."  C'est bien connu, la famille peut être une vraie plaie, mais que ferait-on sans elle ? L'auteur l'affirme, il n'a jamais rêvé d'une autre famille, même si de manière confuse, il sentait que quelque chose n'allait pas. Sa famille était très particulière...
 
Hervé Le Tellier déclare n'avoir pas été un enfant malheureux, ni privé, ni battu, ni abusé. Mais très jeune, il a compris que quelque chose n'allait pas, très tôt il a voulu partir, et d'ailleurs très tôt il est parti. Son père, son beau-père sont morts, sa mère est folle. Par conséquent, ils ne liront jamais Toutes les familles heureuses, ce livre qui évoque cette bien étrange famille. L'auteur tire d'abord le portrait de ses proches. Celui du beau-père, du grand-père, de la mère qu'il nomme par son prénom, de sa tante puis du père, Genitor. S'ensuit l'évocation des principales étapes de sa vie qu'il illustre de situations concrètes aussi farfelues que croustillantes. Les pages de  Toutes les familles heureuses se tournent et pas l'ombre d'une once d'amour. De la jalousie, de la folie, ça oui, il y en a, mais de l'amour, pas vraiment. Dans sa famille, l'amour ne va pas de soi.

Toutes les familles heureuses est un roman autobiographique. Parce qu'il ne sera jamais lu des siens, Hervé Le Tellier s'est autorisé à  raconter sa famille sans colère et la décrire sans se plaindre. Il affirme même vouloir en faire rire, sans regrets.

Dès la première phrase, la première page, sa plume acérée et son style narratif nous transporte au cœur de cette cellule familiale si singulière. Il égraine son arbre généalogique, évoque sans aucune complaisance un à un les siens. Le ton est tantôt caustique, tantôt pudique comme pour y mettre de la distance et jeter pudiquement un voile sur ses sentiments. Hervé Le Tellier n'est jamais larmoyant, il est factuel, même lorsqu'il illustre les différentes étapes de sa vie. Pourtant, certaines situations sont psychologiquement insupportables et particulièrement violentes.

Toutes les familles heureuses n'est pas sans rappeler le fabuleux Profession du père de Sorj Chalandon. Ces deux romans évoquent la folie d'un parent que l'enfant subit sans s'en rendre compte. Les deux auteurs se sont autorisés à l'évoquer, à l'écrire qu'une fois la certitude acquise que leurs parents ne pourront jamais voir leur folie défiler entre les pages. J'avais aimé le roman de Sorj Chalandon, j'aime tout autant celui d'Hervé Le Tellier. Un conseil, lisez-le !


Ah la famille, quelle plaie quand même !

Impossible de publier cette dernière chronique en tant qu'explolectrice sans parler de cette famille que j'ai intégré, le temps d'un été, la famille des Explorateurs de la rentrée littéraire 2017. Je renouvelle tous mes sincères remerciements à Lecteurs.com et surtout à Karine Papillaud et Dominique Sudre, vous avez été de vraies mères pour nous ! 

Belle lecture !
 

vendredi 8 septembre 2017

Mon avis sur "Sucre noir" de Miguel Bonnefoy

Encore une jolie découverte faite dans le cadre de l'opération "Explorateurs de la rentrée littéraire" organisée  par Lecteurs.com, que je remercie une nouvelle fois au passage. Pour cette rentrée, Miguel Bonnefoy propose un roman original aux allures de conte philosophique, à moins que Sucre noir ne soit une fable...

La légende d'un trésor disparu vient bouleverser l'existence de la famille Otero qui vit dans un village des Caraïbes. Les explorateurs se succèdent. Ils sont tous à la recherche du butin du capitaine Henry Morgan, dont le navire aurait échoué dans les environs trois cents ans plus tôt. Tous, dont l'ambitieux Severo Bracamonte, vont croiser le chemin de Serena Otero, l'héritière de la plantation de cannes à sucre qui rêve à d'autres horizons. Au fil des ans, tandis que la propriété familiale prospère, et qu'elle distille alors à profusion le meilleur rhum de la région, chacun cherche le trésor qui donnera un sens à sa vie. Mais, sur cette terre sauvage, étouffante, la fatalité aux couleurs tropicales se plaît à détourner les ambitions et les désirs qui les consument.

A travers ce roman aux allures de conte philosophique, Miguel Bonnefoy réinvente la légende de l'un des plus célèbres corsaires pour nous raconter le destin d'hommes et de femmes guidés par la quête de l'amour et contrariés par les caprices de la fortune. Il nous livre aussi, dans une prose somptueuse et délicate inspirée du réalisme magique des écrivains sud-américains, le tableau émouvant et enchanteur d'un pays dont les richesses sont autant de mirages et de maléfices. Quant à l'écriture de Miguel Bonnefoy, elle est ciselée, sucrée. Avec simplicité et sobriété, l'auteur nous offre tout au long de ce conte, un vrai festival de couleurs, d'odeurs et de sensations qu'il est impossible d'ignorer. C'est ivre et envoûté que l'on referme Sucre noir, mais soyez rassurés, la légende du trésor disparu est sauve.

Sucre Noir est à déguster sans modération.

Bonne lecture !

mercredi 6 septembre 2017

Mon avis sur "Le petit garçon sur la plage" de Pierre Demarty

Lorsque l'on a la chance d'être explolectrice pour Lecteurs.com le temps d'un été, je peux vous dire qu'on en lit des romans sur la plage... Et justement aujourd'hui, c'est sur une plage que tout commence...
Comment oublier cette photo ? Elle a fait le tour du monde, nous a tous bouleversés le trois septembre deux mille quinze. Elle représente un petit garçon mort sur une plage. Qui a oublié Aylan ? Comment ne pas être remué à la vue d'un jeune enfant abandonné sur la plage qui hurle de tout son soûl ?
 
Le petit garçon sur la plage s'ouvre avec cette image extraordinairement puissante, ancrée à jamais dans notre mémoire collective. Un petit garçon a échoué sur la plage. Il porte un T-shirt rouge, légèrement remonté sur le ventre, un short ou un pantalon remonté aussi aux genoux, des baskets bleues. Ce petit garçon échoué sur la plage, Aylan, laisse vite place à un autre petit garçon d'un an à peine qui pleure, hurle sur la plage. Il est seul.  On rembobine les images d'un film, autre référence du livre. La scène surréaliste se déroule sous nos yeux. D'abord un chien. Il s'approche trop du bord de la falaise, attiré, il tombe à l'eau. Il est englouti par la mer. Son corps ne réapparaît pas. Le père inquiet de ne plus le voir se penche à son tour. Il tombe et disparaît. Vient le tour de la mère. Même scène, même sort. Le chien, le père puis la mère tombent à l'eau, qui reste-t-il ? Un petit garçon sur la plage. Il est seul.

Ces deux images de petits garçons vont bouleverser un homme. Deux enfants seuls. L'un est mort, il a échoué sur la plage, l'autre est en vie, mais abandonné. Un fait divers envahit les écrans du monde entier, y compris celui de ce père de famille. Cette image réelle va faire resurgir l'image fictive, la fameuse scène du film et va réveiller les émotions que cet homme avait enfouies. Sa peur de l'abandon va le rattraper et il va perdre pied.
 
Si l'idée de départ m'a plutôt séduite, je dois bien avouer que Pierre Demarty m'a semée en chemin. Je m'attendais à ce que ces deux images aussi fortes l'une que l'autre fassent vraiment vaciller cet homme, qu'il nous révèle avec la même force ses fêlures, ses failles, tout ce qu'il a enfoui au plus profond de lui. Malheureusement, rien de cela ne s'est produit. Les images défilent en boucle et nous, nous tournons en rond. Á vouloir faire imploser son personnage en silence, sans faire de vague, Pierre Demarty a mué Le petit garçon sur la plage en une mer d'huile et noie le lecteur dans une logorrhée pour le faire échouer sur la plage, sans savoir s'il y avait un message à saisir. Dommage, l'écriture et le style sont maîtrisés, il m'a juste manqué l'essentiel. Une autre fois, peut-être...

Belle lecture et encore merci à toute l'équipe de Lecteurs.com !
 

mardi 5 septembre 2017

Mon avis sur "Qui ne dit mot consent" d'Alma Brami

Qui n'a jamais opposé le fameux adage, Qui ne dit mot consent à celui ou celle qui s'obstinait à se taire ?  Mais le silence vaut-il vraiment acceptation y compris s'agissant de l'inacceptable ?
Qui ne dit mot consent est le dernier roman d'Alma Brami et il va faire parler de lui à l'occasion de cette rentrée littéraire. 
 
Prétextant qu'ils y auraient une vie plus saine, Bernard, dit Gary pour les intimes, a convaincu sa femme de quitter la ville pour s'installer à la campagne. Isolée de ses amis et de ses parents, Émilie n'a d'autre choix que d'accepter docilement la visite des amies de son mari. C'est donc sous le toit familial que les maîtresses de Gary seront accueillies au vu et au su de leurs deux enfants. D'apparence cocasse et consentie, la situation fait en réalité souffrir Émilie et les enfants. Même si cette femme est rompue aux relations triangulaires, enfant déjà elle faisait partie du trio qu'elle formait avec ses parents, elle va prendre conscience de l'anormalité de la situation et manifester son mécontentement et sa colère jusqu'à s'en rendre malade.

Qui ne dit mot consent est un huis clos psychologique dont la narratrice n'est autre qu'Émilie, la femme humiliée, manipulée par son mari. Tout l'intérêt de ce roman réside dans sa construction et l'écriture d'Alma Brami. En effet, l'auteure restitue à merveille l'atmosphère malsaine et pesante de cette cellule familiale. Tel un insecte emprisonné dans une toile d'araignée, le piège nuptial se referme sur cette femme qui se révèle de plus en plus meurtrie. Alma Brami prend le lecteur à témoin de cette descente aux enfers à laquelle il assiste impuissant. De plus, elle fait monter crescendo la pression, si bien que c'est le souffle court et poisseux que l'on achève la lecture de ce récit. On renferme Qui ne dit mot consent avec l'irrépressible besoin d'aller se décrasser.

Vous l'aurez compris, toute la force, toute la puissance de Qui ne dit mot consent tient à l'écriture et au style d'Alma Brami. Elle nous livre là une vraie performance d'auteur et un récit que l'on ne pourra oublier de sitôt. Retenez bien ce titre, Qui ne dit mot consent parce qu'il ne va pas passer inaperçu.

Je tiens à adresser mes remerciements les plus chaleureux à Lecteurs.com qui m'a permis non seulement de devenir explolectrice de la rentrée littéraire 2017 et ainsi d'avoir le privilège de lire en avant-première des romans qui vont faire l'actualité. Bronzer en lisant avec un temps d'avance et découvrir des plumes bien trempées, telle que celle d'Alma Brami, fut un réel plaisir. Pour cela et bien plus encore, merci !

Belle lecture !
 

samedi 2 septembre 2017

Mon avis sur "Îles flottantes" de Jean-Luc Cattacin

La fin du mois d'août sonne la fin des vacances, alors pourquoi ne pas les prolonger avec Rouquin qui passe les siennes sur une île. Une île pour amorcer la rentrée en douceur, Îles flottantes de Jean-Luc Cattacin pour une rentrée littéraire, joli programme non ? 

Rouquin passe ses vacances seul dans la maison familiale. Sur une idée presque originale de ses parents, Ficelle son copain de lycée, le rejoindra afin qu'il ne s'ennuie pas dans cette grande maison sur la dune. Pour une bouchée de pain, il a acheté une étrange tablette de bois sur laquelle sont gravés des signes. Voulant en comprendre la signification, il se rend à la bibliothèque, rencontre Elisabeth et découvre le rongo-rongo de l'île de Pâques. L'été s'annonçait bien, mais ça c'était avant. Avant l'arrivée de Ficelle. Avec lui, Rouquin découvrira les excès en tous genres. Ficelle est le genre de garçon qui change le cours de l'histoire.

Sans être le coup de cœur de la rentrée Îles flottantes reste néanmoins un livre qui marque. Il marque en raison de son écriture. De longues phrases s'enchaînent intégrant les dialogues entre les personnages. Aucun saut de ligne. Aucun tiret. Juste des mots au kilomètre agrémentés d'une douce poésie qui nous invite à la contemplation. Côté personnages, rien n'est révélé, pas même les prénoms de Rouquin et de Ficelle. Nous suivons la quête de Rouquin qui l'amènera à croiser le chemin d'Elisabeth, cette femme de savoir qu'il va finir par admirer pour son érudition du rongo-rongo et sur laquelle il va peu à peu fantasmer. Adolescent plutôt timide et sensible, Rouquin se laissera entraîner sur la mauvaise pente par Ficelle le rebelle. Avec lui, il découvrira l'alcool et les drogues en tous genres jusqu'au very bad trip qui annoncera pour Rouquin la perte d'un amour fantasmé et l'entrée dans le monde adulte. 

Bien que le style de Jean-Luc Cattacin soit somme toute agréable à lire, l'usage par moment d'un vocabulaire particulièrement soutenu surprend, déroute. Par ailleurs, Îles flottantes pèche par son intrigue qui n'est, de mon point de vue, pas aboutie. En effet, les scènes s'enchaînent de manière un peu décousue à l'instar de ces adolescents livrés à eux-mêmes, vivant au jour le jour. Et puis soudain tout s'accélère. La fin de l'été annonce la fin d'un cycle, celui de l'adolescence. Îles flottantes s'achève sur l'ouverture d'un autre monde, celui des adultes dans lequel Rouquin va basculer.

Je remercie les Editions Phébus ainsi que Babelio de m'avoir permis de découvrir un des romans de cette rentrée littéraire.

Belle lecture !

mercredi 30 août 2017

Mon avis sur "L'amie prodigieuse - Tome 1" d'Elena Ferrante

Et oui, je sais je suis une des rares à ne pas avoir lu cette saga italienne, pourtant on en a fait des caisses et voici presque un an que L'amie prodigieuse est dans ma PAL. Alors cet été, j'ai mis le cap sur l'Italie !

Fin des années cinquante. L’Italie se remet difficilement de son passé fasciste. Deux fillettes, Elena et Lila, vivent dans un quartier pauvre de Naples. Elles sont douées pour les études. L'une, Lila, est brillante mais abandonne rapidement l'école pour travailler dans l'échoppe de cordonnier de son père. L'autre, Elena, besogneuse mais soutenue par son institutrice ira au collège puis au lycée. L'une a une personnalité bien trempée doublée d'un physique agréable, l'autre est effacée et subit les changements disgracieux que ses hormones lui infligent. La première aura un franc succès auprès des garçons du quartier et finira par connaître l'amour, la seconde ne fera qu'en rêver. C'est leur amour partagé des livres, des mots, qui soudera leur amitié faite de fascination et de jalousie. Les années passant, ces femmes en devenir s'affirmeront, gagneront en confiance et en admiration mutuelle. Lila appréciera le savoir de son amie, Elena la liberté et la franche répartie de Lila. Leurs chemins se croisent, se décroisent pour finalement se retrouver et peut-être ensemble, franchir les étapes de la vie...

L'amie prodigieuse compte quatre tomes. Le premier pose les bases, il plante le décor et la psychologie des personnages que l'on va suivre de l'enfance jusqu'à leur soixante-dixième anniversaire. Dès lors, on comprend que ce premier opus ne peut à lui seul justifier l'engouement des lecteurs et le succès de cette saga. 

Néanmoins, il est indéniable que la construction du récit qui n'a de cesse de mettre en avant tantôt Lila, tantôt Elena, à tel point qu'il est impossible de déterminer laquelle est l'héroïne, la description de leur environnement social et familial ainsi que la multitude de personnages qui défilent, renforcent le style romanesque de cet opus. Si l'on ajoute à cela les répliques plutôt bien senties, les  clans de mauvais garçons qui s'opposent, la volonté des filles d'échapper à leur destin, un zeste de rythme et une bonne dose de mystère autour de l'identité de l'auteure, je dois bien reconnaître que tous les ingrédients sont réunis pour faire de cette saga, un véritable succès de librairie. 

Bien que le premier tome de L'amie prodigieuse ne m'ait pas transportée, pour ma part, rien n'est encore décidé. Je vais donc enchaîner avec le second tome.

Bella lettura !

mercredi 23 août 2017

Mon avis sur "Leur séparation" de Sophie Lemp

Si la séparation d'un couple peut s'avérer salutaire, elle est souvent vécue comme un drame par les enfants. Un sentiment d'insécurité affective, de culpabilité, voire de nostalgie les submerge. Dès lors, ils entretiennent l'espoir, l'espoir que leurs parents cohabitent à nouveau. Bien que devenue chose courante, une séparation n'est jamais anodine et laisse des traces indélébiles. Preuve en est, trente ans après, Sophie Lemp revient sur le divorce de ses parents avec un roman autobiographique, Leur séparation.

Ce samedi matin de janvier, ma mère m’attend à la sortie de l’école. Comme les autres jours, nous remontons la rue des Boulangers mais, au lieu de nous arrêter au carrefour, nous prenons à gauche dans la rue Monge. Je me retourne et aperçois un camion de déménagement garé en bas de notre immeuble. Ma mère serre ma main dans la sienne. Je n’ai pas envie de parler, je pense au camion, aux cartons, au salon qui demain sera à moitié vide. Je pense à mon père. Désormais, j’irai chez lui tous les mercredis soir et un week-end sur deux. Ma mère s’est organisée pour que je passe  l'après-midi et  la nuit  chez une  amie. Avant  de partir,  elle me  dit : Profite bien de ta journée, amuse-toi, essaye de penser à autre chose. Je hoche la tête mais je sais que jamais plus je ne penserai à autre chose.
 
C'est avec beaucoup de pudeur et d'émotion que Sophie Lemp évoque le divorce de ses parents. Bien que devenue adulte et maman, elle revit cette séparation en posant avec une infinie justesse son regard de petite fille. Elle aborde son quotidien chamboulé où se mêlent les souvenirs heureux d'une enfance à trois. Elle ne cherche pas à comprendre ni à expliquer mais simplement à dire le déchirement, cette impression de trahir l'un dès qu'elle est avec l'autre, cette douleur encore si vive par instants et si difficile à cicatriser.
 
L'écriture de Sophie Lemp est simple mais toute en émotion et en sensibilité. Ce roman autobiographique bien que très court (96  pages) est un réel plaisir de lecture.  Il n'est que délicatesse et empreint d'une subtile retenue. Ne pas le lire serait une réelle faute de goût.
 
Un grand merci à NetGalley et aux Éditions Allary qui m'ont permis de découvrir en avant-première cette pépite de la rentrée littéraire 2017. Leur séparation sera disponible chez tous les bons libraires dès le 7 septembre prochain.
 
Très belle lecture !
 

lundi 21 août 2017

Mon avis sur "Survivre" de Frederika Amalia Finkelstein

Impossible au lendemain du double attentat de Barcelone de passer à côté du dernier roman de Frederika Amalia Finkelstein à paraître pour cette rentrée littéraire. Comment oublier, comment Survivre à de tels évènements ?
 
Ava a 25 ans. Elle vit à Paris. Un matin, elle prend le métro pour se rendre à l'Apple Store des Champs-Élysées, où elle travaille. Sur le quai du métro, des militaires patrouillent pour assurer la sécurité des voyageurs : ce climat sécuritaire l'angoisse. Elle repense aux attentats du 13 novembre. Elle est hantée par une photographie prise au soir du massacre au Bataclan, où gisent les corps de jeunes gens de son âge. Son rapport aux terroristes est ambigu. Elle n'arrive pas à éprouver de la haine à leur égard, certainement parce que, terroristes et victimes, tous, ou presque, sont de la même génération : la sienne. En arrivant sur son lieu de travail, Ava révèle qu'elle a été licenciée. Elle a du mal à accepter sa situation alors elle se promène. Elle passe devant le Bataclan, puis elle s'arrête dans un café. Sur les écrans de télévision, un attentat se déroule en direct. Ava est à la fois fascinée et blasée par le défilement des images sur la chaîne d'informations. Elle se met à penser à sa grand-mère, qui vient de mourir à Buenos Aires. Elle rêve qu'elle part pour l'Argentine, où son enterrement est en train d'avoir lieu...
 
Survivre est un roman percutant. A travers l'angoisse de son héroïne, Frederika Amalia Finkelstein traduit parfaitement l'état d'esprit dans lequel nous sommes post-attentats. En effet, depuis ce 13 novembre, soir du plus grand massacre en France depuis Oradour-sur-Glane, tout est possible. Bien que conscients de cette éventualité, l'auteure nous rappelle, s'il en était besoin, que nous vivons collectivement dans  la peur du prochain attentat. Forte de ce constat, Frederika Amalia Finkelstein s'est surtout focalisée sur sa génération, cette génération  née avec les écrans, ultraconnectée mais paradoxalement en proie à une immense solitude. C'est à travers son héroïne, qu'elle lui rend hommage. Elle souligne l'ambivalence de cette dernière à la fois auteure et cible des attentats, à la fois fascinée et apeurée par les images violentes et obscènes de ces massacres qui circulent en toute impunité sur tous les réseaux sociaux. Il souffle un vent morbide sur cette génération. La mort est d'ailleurs omniprésente tout au long de ce récit. Néanmoins et c'est là tout l'intérêt, Survivre résonne comme un exutoire à cette guerre d'un nouveau genre pour in fine, célébrer la vie.

L'écriture de Frederika Amalia Finkelstein est d'une justesse percutante qui donne une force inouïe à ce court récit qui ne peut laisser indifférent. Bien que la thématique abordée demeure tristement d'actualité, Survivre est à lire, ne serait-ce que pour collectivement, mesurer l'urgence qu'il y a à vivre et à ne surtout pas céder à la peur, ni sombrer.

J'adresse tous mes remerciements à  Babelio et  à la collection l'Arpenteur des Éditions Gallimard pour l'envoi en avant-première de ce roman de la rentrée littéraire dont nous entendrons parler.


Belle lecture !
 

jeudi 3 août 2017

Mon avis sur "Vernon Subutex 3" de Virginie Despentes

À peine avais-je  refermé le tome 2, que je trépignais d'impatience. Je ne désirais qu'une chose, retrouver Vernon Subutex et sa bande. Il m'aura fallu attendre plus de deux longues années. Ce fut une attente interminable certes, mais seuls ceux qui ont lu Vernon Subutex 3 savent ô combien elle était indispensable. Et oui, ce dernier opus clôture en beauté cette trilogie.  Jubilatoire !
Mais attention, pour se plonger dans ce dernier tome, il faut impérativement avoir suivi les aventures de Vernon, ce disquaire charismatique devenu SDF.

Le tome 3 s'ouvre en pleine verdure, là où Vernon et ses fidèles se sont retirés du monde. Ponctuellement, ils organisent des convergences, qui sont des rassemblements ouverts à tous  où l'on danse jusqu'au petit matin. Le DJ n'est autre que Vernon. La communauté vit isolée, loin de l'agitation des villes et sans aucune connexion jusqu'au jour où Vernon devra impérativement rejoindre Paris pour se faire soigner un abcès dentaire qui le fait souffrir. Ce séjour va impacter la communauté d'une manière insoupçonnée. Dès lors, elle ne pourra rester en marge et continuer à ignorer la violence de notre société.

De nouveau, Virginie Despentes scanne notre société contemporaine et nous la restitue à travers chacun des personnages sous forme d'instantanés tous plus percutants les uns que les autres. Des scènes du quotidien de tout un chacun, aux évènements plus tragiques que nous avons connus, tout y passe. L'auteure nous égratigne en évoquant notre addiction aux écrans, elle nous fait sourire en décrivant la mutation que subissent les adolescents, ou en évoquant les manies des uns, les travers des autres, les relations humaines au travail, au sein du couple ou du groupe... Évidemment, elle ne pouvait pas, ne pas évoquer les attentats et leurs conséquences, la solidarité d'abord, puis cette peur des religions, des étrangers, des migrants qui s'est ancrée un peu plus ; elle ne pouvait pas ne pas évoquer la loi travail et le mouvement Nuit debout, le fossé qui se creuse toujours plus entre les différentes classes sociales ; elle ne pouvait pas ne pas évoquer les incidences politiques de ces différents évènements et la montée des extrêmes... Si Vernon Subutex 3 est plus engagé politiquement, plus âpre, pour autant, Virginie Despentes ne porte pas de jugement. Elle dépeint ces différentes situations tout en ayant beaucoup d'empathie pour ses personnages. De plus, j'ai trouvé que malgré tout, il soufflait sur Vernon Subutex 3  un vent de fraternité où le collectif prenait le pas sur l'individualisme. Enfin, parce qu'il ne faudrait quand même pas l'oublier, tous ces éléments contextuels servent l'intrigue, et je peux vous assurer qu'elle est sacrément bien ficelée. Et côté écriture, et bien c'est du Virginie Despentes. Autrement dit, c'est tout simplement magistral, jubilatoire ! 

C'est donc à regret que je quitte Vernon et sa bande qui m'ont littéralement transportée depuis janvier 2015, date de ma rencontre avec eux. Mais nos chemins ne se séparent pas là, je sais que je les retrouverai parce que je ne peux pas envisager de ne pas relire cette trilogie. En fait, Vernon, c'est ma madeleine à moi. C'est bien trop bon pour s'en passer ! Chapeau bas Madame Despentes !

Et à tou(te)s, très belle lecture !