dimanche 16 octobre 2016

Mon avis sur "Désorientale" de Négar Djavadi

Décidément, la rentrée littéraire 2016 foisonne de petits bonheurs. Désorientale est un de ceux-là. C'est un premier roman, le tout premier de Négar Djavadi, scénariste, parisienne depuis qu'elle a fui l'Iran en 1981 alors qu'elle n'avait que onze ans. Désorientale est une saga familiale dont le destin des personnages est dévié par l’Histoire contemporaine d'un pays, l’Iran.

Tout commence dans une salle d'attente de l'hôpital Cochin. Kimiâ Sadr suit un protocole d'insémination artificielle depuis de longs mois. C'est le grand jour, elle doit se faire inséminer. L'attente dure. Kimiâ n'est pas accompagnée. Sa maternité tant espérée la renvoie inévitablement à sa famille, ses deux sœurs, ses parents, ses innombrables oncles, sa grand-mère. Bien que Kimiâ ait toujours tenu à distance sa culture d'origine, là, dans cette salle d'attente son passé la rattrape. Au gré des rendez-vous médicaux, ses souvenirs entremêlés ressurgissent. Ils  nous propulsent en Iran. L'histoire de la famille Sadr est déroulée par bribes, par anecdotes. C'est toute la lignée qui est évoquée, des ancêtres originaires du nord de la Perse jusqu'à ses parents, Darius et Sara, opposants au régime du Shah puis de Khomeiny. Leurs opinions les contraindra à quitter définitivement l'Iran pour atterrir en France, après avoir traversé à cheval le Kurdistan. Deux pays, deux cultures différentes et un évènement. Le tout mènera à la désorientalisation.

Outre le fait qu'indéniablement Négar Djavadi a une plume, c'est la construction de son roman que j'ai particulièrement apprécié. Les allers retours entre la salle d'attente de l’hôpital Cochin et l'Iran sont savamment dosés, la maternité ou du moins son éventualité et la naissance subséquente sont placées au cœur du roman. Ces thèmes sont érigés telle une colonne vertébrale. Pour autant, bien que Désorientale donne voix à plusieurs femmes, il n'est pas un livre de femmes, pour les femmes. Les hommes y sont très présents, notamment Darius, le père qui attend impatiemment ce fils aux yeux bleus qui ne viendra jamais. Le thème de l'exil qui engendre une nécessaire seconde naissance et une quête d'une nouvelle identité sont subtilement amenés toujours à travers des anecdotes teintées d'humour et d'amour. 
"On aurait dit que Sara jaillissait de sa bouche pour défendre une de ses plus chères causes : la maternité. La maternité qu'elle considérait, je vous le rappelle comme le Graal de l'existence dont l'épreuve principale était le couple."

"Rien ne ressemble plus à l’exil que la naissance."

Désorientale se déploie tel un bon vieux 33 tours en deux faces (la A et la B) sur lesquelles défile l'histoire des Sadr sur trois générations : les tribulations des ancêtres, une décennie de révolution politique, les chemins de traverse de l'adolescence en France, l'ivresse du rock et la découverte d'une autre identité.
Désorientale est un hymne à la Vie, à la Liberté. Ce roman a permis la naissance d'une auteure, Négar Djavadi. Sa troisième naissance.

Belle lecture !


P.s. : Message personnel à l'auteure : Non, Négar Djavadi, la série "Peyton Place" n'est pas inconnue des français, du moins, moi je la regardais... Mais j'en conviens, peu s'en souviennent...

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