jeudi 27 décembre 2018

Mon avis sur "Toucher l'instant" de Lou Vernet

Il y a des chemins qui se croisent, des rencontres qui se font et qui  en un instant basculent dans une autre dimension. Cet instant je l'ai touché un certain 10 Février. C'était à l'occasion de la première édition du Rock'n Books. Sur les conseils de son précédent éditeur, Border Line, je l'ai invitée. Ce jour-là, j'ai rencontré Lou Vernet et ai découvert sa plume avec La toile aux alouettes. Ce jour-là, j'ai eu envie d'en savoir plus sur cette femme au regard étoilé, cette auteure autodidacte au mille et un métiers, cette globe-trotteuse qui dès qu'elle le peut part crapahuter à travers monde. Alors lorsque sa nouvelle maison d'Édition, La Liseuse, m'a proposé de lire Toucher l'instant, je n'ai pas hésité une seconde, j'ai sauté.

Si long est le chemin, si brève est la vie. Éphémère intervalle ponctué d’une seconde d’éternité, celle où tout bascule. La reconnaître, s’en saisir, croire qu’elle nous appartient, oser se l’approprier, s’en libérer, s’émanciper, c’est ce que racontent ces trois romans courts.
Toucher l'instant c'est trois destins, trois possibles. Entre incertitude et audace, peur et confiance, douceur et violence, les protagonistes ont l’illusion d’un choix. Agir, plutôt que subir. Avec pour origine et but, la même griffe, le même serment, le seul sentiment persistant, l’amour. Au terme d’une lente maturation, parviendront-ils à Toucher l’instant ?

Trois récits : En t'attendant. La femme-enfant. Ne m'oublie pas. Ces trois novellas ont pour dénominateur commun, l'Amour. Ce sentiment qui tantôt nous fait avancer, tantôt nous fait souffrir, mais toujours torture notre âme (Aimer, Marcher, Ecrire).

Avec En t'attendant, Lou Vernet explore le sentiment amoureux. Celui qui rend triste, celui qui est douloureux puisque l'être aimé n'est pas libre. L'amour impossible. L'un se perd à attendre cet autre qui ne viendra pas. Puis vient le moment où il décide d'apprendre à ne plus attendre. C'est long d'attendre, mais ça l'est encore plus de ne plus attendre. Après l'attente vient le moment où tout bascule, tout devient à nouveau possible parce que justement, il n'y a plus d'attente, juste l'abandon.

La femme-enfant se déroule dans un hôpital psychiatrique, un centre thérapeutique plus exactement. Ils sont quatre et forment une joyeuse équipe. Pas beaux, mais si attachants. Des moitiés de rien. C'est peu, mais déjà quelque chose. Ils ont ce point commun de n'avoir jamais été aimé. Ils ont chacun leur part d'ombre. Supportable jusqu'à ce que l'insupportable les pousse à faire un choix. Et quel choix ! 

Ne m'oublie pas traite de la difficulté d'aimer. D'un homme qui se cache derrière son appareil photo. Un créateur de souvenirs pour les autres. Les siens étaient morts. Un homme terrifié par la peur de perdre, jusqu'au jour où...

Avec Toucher l'instant ou la trilogie du choix, Lou Vernet évoque l'amour dans tous ses états. Elle amène avec beaucoup de subtilité ses personnages à faire des choix. Une phrase suffit pour que tout bascule. Qu'elle soit légère comme des pétales de roses, ou écrasante tel le poids de la souffrance, la plume de Lou Vernet est toujours percutante. Qu'ils s’envolent, qu'ils nous laissent sans voix, ses mots sont toujours subtilement choisis. Aucun doute, pour toucher cet instant, lisez Lou Vernet, vous en sortirez grandi.

Belle lecture !

dimanche 18 novembre 2018

Mon avis sur "Am, stram, gram... ce sera toi qui me plairas !" de Catherine-Rose Barbieri

Am, stram, gram, voici le livre antidote à la grisaille automnale. Loin d'être l'opposé de la profondeur, Am stram, gram... ce sera toi qui me plairas ! le premier roman de Catherine-Rose Barbieri est surtout le contraire de la lourdeur. Léger comme une bulle de champagne, ce roman se savoure au coin du feu ou sous la couette. Amateurs de comédies romantiques, fans de Bridget Jones, welcome !

Camille bosse dans une grosse boîte. Elle n'a pas d'attachement particulier pour son boulot. Ni pour ses collègues. Ni pour grand monde, d'ailleurs, si ce n'est pour son amie Anna et son voisin de palier septuagénaire, Monsieur Lambert.
Dans son appartement, chaque soir, elle s'évade en dévorant films, séries et livres, du moins quand elle ne peste pas contre la piètre isolation phonique au sein de l'immeuble, et notamment contre son voisin du dessus, aux mœurs mystérieuses et certainement dissolues. Et puis un jour, au travail, elle trouve un courrier inattendu dans sa boîte mail... Inattendu et anonyme.

Am, stram, gram... ce sera toi qui me plairas ! commence par la réception d'un mail anonyme d'un corbeau des temps modernes. L’héroïne va relever la tête de son ordinateur professionnel, regarder son entourage afin de démasquer l'auteur de cette bonne blague. Et s'il ne s'agissait pas d'un de ses collègues ?  Camille qui jusqu'alors se bornait à croiser des gens, va enfin prendre le temps de les observer, de les découvrir voire même de les apprécier. Entre situations burlesques et malentendus, la jeune femme apprendra à dépasser ses préjugés.

Vendredi dernier, grâce à Babelio (à qui j'adresse tous mes remerciements) trente lecteur(rice)s ont eu le plaisir de rencontrer Catherine-Rose Barbieri. Elle nous disait être une inconditionnelle des comédies romantiques, des romans de Jane Austen, c'est donc avec tout naturellement qu'elle a adopté ce genre pour son premier roman. L'aventure a commencé en septembre 2016 par un défi à relever avec une amie sur la plateforme d'écriture numérique Wattpad. Plébiscitée par la communauté, Catherine-Rose Barbieri a été repérée par la maison d'Editions  Eyrolles. Once upon a time...

Résolument contemporain, Am, stram, gram... ce sera toi qui me plairas ! est un roman qui allie amour et humour. Léger, il n'est pas pour autant dénué de tout message. En effet, à travers cette romance, l'auteure nous invite à dépasser nos préjugés, à oublier nos blessures passées, à lâcher-prise tout simplement pour s'ouvrir aux autres, au monde qui nous entoure et accueillir ce qui doit l'être.

Quant à l'écriture de Catherine-Rose Barbieri, elle est fluide, très agréable. Professeure d'anglais à l'université de Lyon, elle aime les mots et sa ville. C'est donc tout naturellement que les rencontres se font par les mots et que l'intrigue se déroule dans la capitale des Gaules. Am, stram, gram... ce sera toi qui me plairas ! est un premier roman particulièrement réussi, un feel-good book comme on les aime. 

Alors si vous fondez en regardant You've got a mail ou encore Coup de foudre à Notting Hill, si Bridget Jones vous fait marrer, aucun doute, Am, stram, gram... ce sera toi qui me plairas ! est pour vous !

Belle lecture ! 

mardi 13 novembre 2018

Mon avis sur "Rubiel e(s)t moi" de Vincent Lahouze

J'ai découvert Vincent Lahouze sur les réseaux sociaux par un texte, particulièrement bien senti. Une scène ordinaire de harcèlement dans les transports en commun. Ce post partagé par plus de 20.000 personnes sur Facebook et mis à la une du Huffingtonpost a propulsé la notoriété de ce trentenaire. Ses valeurs humanistes et sa verve ont fédéré une communauté de plusieurs milliers de personnes. Ses posts sont engagés. Il suffit de lire J'irai mourir chez vous pour s'en rendre compte. Sa plume est particulièrement acérée. Il a une écriture cathartique. Et justement à force d'écrire, d'aligner des tranches de vie plus ou moins personnelles, Vincent Lahouze a fini par accoucher d'un roman autobiographique fictif, Rubiel e(s)t moi.


Vincent Lahouze est né en Colombie en 1987 mais affirme n'avoir commencé à vivre qu'en 1991. Rubiel e(s)t moi s'ouvre sur les murs gris de l’Orphelinat du Bienestar de Medellin. Rubiel et Federico sont deux petits orphelins de quatre ans. Le bruit sourd de leurs pieds nus sur le parquet de bois délavé et poussiéreux résonne dans le couloir jusqu'à ce que Federico soit adopté par un couple français. Dans un silence assourdissant, Rubiel attend son tour. Désemparé, c'est hors les murs qu'il choisit de grandir. Le temps s'écoule. L'un découvre la douceur d'une famille, l'autre la violence de la rue. Deux destins opposés. Deux histoires parallèles. L'une est largement inspirée du parcours de vie de l'auteur, l'autre est hypothétique.

Rubiel e(s)t moi était particulièrement attendu. À ce titre, je remercie Babelio et les Éditions Michel Lafon qui m'ont permis de lire 265 pages durant Vincent Lahouze et de découvrir son ingéniosité. 

En effet, non seulement l'auteur parle de son enfance en Colombie, de son adoption, son déracinement, mais également de ce qu'il aurait  pu vivre si ses parents adoptifs ne l'avaient pas choisi lui. Et c'est là qu'il nous surprend, ce qui n'était pas gagné pour celles et ceux qui le suivent sur les réseaux sociaux et qui devinent son histoire à travers ses innombrables écrits. Je craignais que Rubiel e(s)t moi ne soit qu'une simple compilation des posts de Vincent Lahouze. C'est bien plus que cela. 

Rubiel e(s)t moi est avant tout un roman. Un roman intelligemment construit. Un roman sur la quête d’identité qui mêle réalité et fiction. Un roman où l'auteur se livre, se met à nu. Un roman qui sensibilise le lecteur au déchirement que représente une adoption, à ce que les autres renvoient à celui qui est adopté. La méchanceté des uns, les préjugés des autres. Ne demandez surtout pas à Vincent Lahouze s'il parle espagnol couramment, la langue qu'il manie le mieux est indéniablement le français. Son écriture est fluide et percutante. 

Aucun doute, en 2018, un nouvel auteur est né. Son nom ? Vincent Lahouze. Je lui souhaite de noircir encore autant de feuilles blanches qu'il compte de followers sur les réseaux sociaux et surtout un succès bien mérité à Rubiel e(s)t moi.

Belle lecture !

dimanche 11 novembre 2018

Mon avis sur "Mon royaume pour une guitare" de Kidi Bebey

Kidi Bebey auteure et journaliste, est la fille de Francis Bebey, homme de culture, musicien et écrivain camerounais, décédé en 2001. Mon royaume pour une guitare est l'hommage vibrant qu'une fille rend à son père, mais également à l'homme qu'il fut. 

Francis Bebey est né au Cameroun. Fils de pasteur, il est le benjamin d’une grande fratrie. Son grand frère, Marcel, est son modèle. De lui il apprendra que travailler dur à l’école est la seule chance de s’en sortir. A l'instar de Marcel, Francis obtiendra une bourse pour aller étudier d'abord en France, puis en Amérique. Son diplôme de journalisme en poche,  Francis rêve de rentrer au pays pour retrouver son frère devenu médecin. Mais sa rencontre avec Madé, celle qui deviendra sa femme, va bouleverser ses plans. Francis décrochera un poste de haut fonctionnaire à l'Unesco et fondera une famille. Les siens deviennent sa priorité. La musique également.

À travers ce roman biographique, Kidi Bebey aborde outre le parcours exceptionnel d'un homme, son père, qui s'est donné les moyens de prendre son destin en main, la douloureuse question de la colonisation et du déracinementLa France, terre d'accueil de Francis Bebey, ne devait être qu'une parenthèse temporaire, le temps d'y faire ses études. La vie en aura décidé autrement. Ironie du sort, alors qu'elle est originaire du même village que lui, c'est en France que Francis rencontrera Madé, sa femme. Les grossesses et l'émérite carrière professionnelle de Francis retarderont leur retour au Cameroun. Ensemble, ils se construisent une vie à Paris, s'intègrent. Et au fil des ans, leur projet de rentrer au pays s’éloigne. Bien sûr il y aura quelques séjours sur leur terre d'Afrique, mais ils ne seront que ponctuels, le temps des congés. Ils permettront à Francis de prendre conscience de tout ce qui le sépare de sa terre natale. Plus tout à fait africain, pas tout à fait français, Francis Bebey sera condamné à l'exil. Las, il mettra un terme à tous ces faux-semblants, cette mascarade pour se retrouver. Il va renoncer à sa prestigieuse carrière professionnelle pour renouer avec sa culture.  Il troquera son royaume pour une guitare. La musique deviendra sa seule préoccupation. Un vent d’insouciance, de légèreté et de joie va entrer dans sa vie et celle de sa famille. Ses notes s'envoleront, traverseront l'océan atlantique. Les succès s'enchaîneront. 

C'est avec beaucoup de poésie que Kidi Bebey parvient à retranscrire le parcours de son père, sa famille. Elle pose un regard tendre. Son écriture est fluide. Sa narration est tantôt grave, tantôt légère, mais  toujours juste et crédible. Mon royaume pour une guitare a des saveurs de biographie et de conte. C'est une jolie découverte. J'en remercie Lecteurs.com et les Éditions Pocket

Belle lecture !

mercredi 31 octobre 2018

Mon avis sur "Changer l'eau des fleurs" de Valérie Perrin

Après le succès de son premier roman, Valérie Perrin nous revient avec Changer l'eau des fleurs. Elle a remporté en mai dernier, le Prix Maison de la Presse 2018. Ce prix créé en 1970 a notamment récompensé René Barjavel, Irène Frain, Michel Déon, Jean Teulé, Daniel Pennac ou encore Philippe Besson. Autant dire que Valérie Perrin fait une entrée particulièrement remarquée dans le cercle très fermé de la littérature.

Après avoir été garde-barrière, Violette Toussaint est devenue garde-cimetière dans une petite ville de Bourgogne. Les gens de passage et les habitués viennent se réchauffer dans sa loge où rires et larmes se mélangent au café qu’elle leur offre. Son quotidien est rythmé par leurs confidences. Un jour, parce qu’un homme et une femme ont décidé de reposer ensemble dans son carré de terre, tout bascule. Des liens qui unissent vivants et morts sont exhumés, et certaines âmes que l’on croyait noires, se révèlent lumineuses.

Aucun doute, Valérie Perrin a le pouvoir de rendre l'obscurité lumineuse. Elle parvient à remplir de vie, d'humanité ces dernières demeures qui abritent ces chers disparus. Elle prend le temps. Le temps d'installer ses personnages, de nous dévoiler leur côté sombre pour ensuite nous révéler au gré des pages leur véritable personnalité. Violette est une femme éprouvée par la vie. Née sous X, elle n'a qu'une peur, celle de l'abandon. Alors lorsqu'elle rencontre Philippe, celui qui deviendra son conjoint, elle fermera les yeux sur tous ses écarts par crainte de le perdre. Ironie du sort, c'est justement la perte d'un être cher qui va conduire Violette à Changer l'eau des fleurs, à veiller avec empathie sur le cimetière communal, ses occupants et ses visiteurs pour finalement la guider vers un avenir meilleur.

Indéniablement, Changer l'eau des fleurs est un roman touchant essentiellement parce qu'empreint d'humanité et de sensibilité. Résolument optimiste, sa lecture n'en n'est que plus agréable ce, malgré quelques petites longueurs. Quant à la plume de Valérie Perrin, elle est simple, sensible, poétique. Ce roman est une ode à la vie et au bonheur simple. En cette veille de Toussaint, je ne peux que vous encourager à le découvrir.

Belle lecture !

lundi 29 octobre 2018

Mon avis sur "Les délices de Tokyo" de Durian Sukegawa

Il y a des livres qui fondent en bouche telle une sucrerie. Les délices de Tokyo est de ce genre là. Tellement doux et poétique qu'il a remporté le Prix des Lecteurs du Livre de Poche 2017 et qu'il a été adapté au cinéma par Naomi Kawase. Présenté au Festival de Cannes en 2015, cette adaptation a été saluée par la critique.

Sentarô, sort de prison. Taciturne, il tient une échoppe et vend des dorayakis, ces pâtisseries japonaises fourrées d’une pâte de haricots rouges. Depuis qu’il a embauché Tokue, une vieille femme aux doigts mystérieusement déformés, il voit sa clientèle doubler du jour au lendemain, conquise par ses talents de pâtissière. Mais la vieille dame cache un secret moins avouable et disparaît comme elle était apparue, laissant Sentarô interpréter à sa façon la leçon qu'elle lui a fait partager, "Écouter la voix des haricots".

C'est une véritable invitation au voyage sensoriel au pays du soleil levant que nous livre Durian Sukegawa. L'odeur du an (pate de haricot rouge sucrée) chatouille nos narines, les dorayakis réveillent nos papilles. Les délices de Tokyo est une ode à la pâtisserie japonaise et à ses saveurs sur fond de rencontre entre un jeune homme et une vieille femme. Tous deux ont été blessés par la vie. La maladie, la rumeur, l’exclusion, l’injustice ont anéanti leurs rêves jusqu’au jour où leurs destins se croiseront. De l’écoute, de la découverte de l’autre et du dépassement des a priori naîtra une belle histoire d’amitié. 

Tout en douceur et en subtilité, Durian Sukegawa transforme une simple recette de cuisine en véritable leçon de vie, de philosophie. Les délices de Tokyo est un roman simple et aussi délicat qu'un pétale de cerisier japonais. Empreint de poésie, il se déguste avec lenteur. Il est tout simplement savoureux.

Belle lecture !


Les délices de Tokyo de Naomi Kawase


mercredi 24 octobre 2018

Mon avis sur "Les prénoms épicènes" d'Amélie Nothomb

Il n'y a pas de rentrée littéraire qui vaille sans un nouvel opus d'Amélie Nothomb et voici vingt-six ans que ça dure. Cette année, la dame au chapeau nous propose Les prénoms épicènes, ceux qui siéent aussi bien aux filles qu'aux garçons. 

Quand Claude rencontre Dominique à la terrasse d'un café, il n'a qu'une obsession, l'épouser et fonder une famille. Tous deux ont un point commun, leur prénom ne spécifie pas de quel sexe ils sont. Ils portent des prénoms épicènes. Alors quand Dominique apprend qu'elle est enceinte, rien de plus naturel que de vouloir baptiser  cet enfant qu'il s'agisse d'un garçon ou d'une fille, Épicène. Ce sera une fille. Une fille dont Claude se détournera très vite, à qui il ne manifestera aucun amour. Une fille qui n'aura de cesse de vouloir se venger de son père, notamment lorsqu'elle se rendra compte qu'elle a perdu sa meilleure amie du fait de ce dernier. 

Les prénoms épicènes est un conte sur fond de vengeance. C'est par le prisme des relations père - fille et des relations homme - femme qu'Amélie Nothomb aborde cette thématique. Impossible néanmoins de ne pas faire le rapprochement avec Frappe-toi le cœurtant la résonance est forte. En effet, l'opus paru l'an dernier traitait des relations mère - fille, notamment d'une fille qui n’était pas aimée par sa mère et qui ne s’autorisait pas de ne pas aimer cette dernière. Cette année, il est encore question d’une fille qui n’est pas aimée de son père, qui s’autorise pleinement à le détester et même à se venger de lui. C’est là toute la différence. De vengeance il est encore question. C'est ce sentiment qui aura guidé vingt ans durant, le projet de vie de ce père. La vengeance est certes un plat qui se mange froid, mais à ce rythme là, c'est glacée qu'elle va se déguster.

Si on se délecte toujours des contes d'Amélie Nothomb, tant son écriture et sa répartie sont vives, si on tourne les pages goulûment comme on savoure un bon plat, cette année, on reste un peu sur sa faim. En effet, Les prénoms épicènes ont comme un air de réchauffé. De surcroît, cet opus est tellement court (que 162 pages !), que l'on a l'impression d'être rationné. Vivement l'année prochaine que l'on soit rassasié. En attendant, n'oubliez pas de méditer sur la morale de cette histoire, La personne qui aime est toujours la plus forte. Voilà, c'est dit.

Belle lecture !

mardi 23 octobre 2018

Mon avis sur "Les fantômes du vieux pays" de Nathan Hill

Les fantômes du vieux pays, premier roman de Nathan Hill a nécessité plus de dix ans d'écriture. Encensé par la critique Outre-Atlantique, il a remporté le L.A. Times Book prize for first fiction. Publié dans trente pays à travers le monde, ce sont les Éditions Gallimard qui ont acquis les droits pour la France. Les fantômes du vieux pays est maintenant disponible au format poche chez Folio.

Scandale aux États-Unis : le gouverneur Packer, candidat à la présidentielle, a été agressé en public par une femme de soixante et un ans qui devient une sensation médiatique. Samuel Anderson, professeur d’anglais à l’Université de Chicago, reconnaît alors à la télévision sa mère, qui l’a abandonné à l’âge de onze ans. Et voilà que l’éditeur de Samuel, qui lui avait versé une avance rondelette pour un roman qu’il n’a jamais écrit, menace de le poursuivre en justice. En désespoir de cause, le jeune homme promet un livre révélation sur cette mère dont il ne sait presque rien et se lance ainsi dans la reconstitution minutieuse de sa vie, à la découverte des secrets qui hantent sa famille depuis des décennies.

Les fantômes du vieux pays a été reçu comme étant le grand roman américain des deux dernières décennies. Son auteur, Nathan Hill est même comparé à John Irving ou Charles Dickens, rien de moins. Pour un premier roman c'est particulièrement flatteur. Quoi qu'il en soit, je dois bien l'avouer, j'ai eu un mal fou à venir à bout des 953 pages que compte ce roman fleuve. Si incontestablement, Nathan Hill sait écrire, manier l'humour, il ne connaît pas la concision. Certes, Les fantômes du vieux pays couvre la période allant des émeutes de Chicago en 1968 au New York post 11 Septembre en passant par la Norvège des années quarante et le Midwest des années soixante, mais, que c'est long ! 

En outre, Nathan Hill a pris un malin plaisir à introduire pléthore de personnages secondaires. Ils abondent alors même qu'ils apportent peu à l'intrigue. Ils permettent surtout à l'auteur des allées et venues dans le temps, d'aborder multitude de thèmes et de porter un regard critique sur la société américaine. Bien que parfaitement documenté, l'ambiance des différentes époques bien restituée, Les fantômes du vieux pays est un roman trop.... Trop long. Trop de personnages. Trop d'histoires secondaires. Trop de descriptions. Trop de digressions. Trop de trop. Et surtout trop peu d'information sur le personnage central du livre, la mère de Samuel. C'est donc avec une certaine satisfaction que j'ai tourné la dernière page de ce gargantuesque roman dont l'immense succès demeurera pour moi un mystère.

Belle lecture !

dimanche 21 octobre 2018

Mon avis sur "Sujet inconnu" de Loulou Robert

Il y a des plumes qui décapent, des auteurs qui ont du style, de l'allure. Loulou Robert est de ceux-là. Elle a délaissé les podiums des défilés de mode pour se consacrer à l'écriture. Vingt-cinq ans et déjà trois romans. Sujet Inconnu est disponible aux Editions Julliard.  

Elle avait huit ans quand elle a su qu'elle ne  finirait pas ses jours dans l'Est de la France. Que là-bas, elle ne deviendrait personne. Que là-bas, elle n’aimerait personne. Que là-bas, rien. Elle ne ressentirait rien. Elle avait huit ans et elle a décidé de partir un jour. Elle a choisi de ressentir. Elle a choisi de souffrir. À partir de là, elle est condamnée à cette histoire.
Elle ? C'est la narratrice. Une jeune fille unique. Singulière. Solitaire. Son seul ami se nomme Sam. Sam c'est son doudou. Sa peluche. Avec Sam elle quitte son cocon familial. Elle quitte sa mère qu'elle adore. Un véritable déchirement. Elle s'installe à Paris. Elle rentre en fac de lettres. Libre. Elle est enfin libre. Enfin... jusqu'à cette rencontre.

Sujet inconnu traite d'Amours. De l'Amour qui unit une mère et une fille. Mais également de celui qui naît entre un homme et une femme. De cet Amour qui grandit jusqu'à dévorer. Qui dévore jusqu'à la folie. Un Amour rare. Fort. Violent. Toxique. Un Amour qui révélera à la narratrice sa vraie personnalité. 

Sujet inconnu est un roman puissant. Intense. De la première à la dernière page, il prend possession du lecteur. Il chavire. Renverse. On le reçoit tel un uppercut en plein cœur. Quant au style de Loulou Robert, il est direct. Brut. Sans fioritures. Un style résolument contemporain. Original. Vibrant. Les mots sont tranchants. Les phrases courtes. La syntaxe revisitée. Le tout est intelligemment construit. Sujet inconnu est à découvrir d'urgence, tout comme son auteure, Loulou Robert.

Belle lecture !

lundi 8 octobre 2018

Mon avis sur "Fugitive parce que reine" de Violaine Huisman

Il y a des histoires de famille qui vu de l'intérieur, peuvent avoir une résonance dramatique. Il y a des filles qui savent rendre un juste hommage à leur mère quand bien même cette dernière eût été maniaco-dépressive et totalement fantasque. Telle est la démarche de Violaine Huisman qui dédie son premier roman, à la mémoire de sa mère. Une femme fugitive face à cette vie qui ne la comprend pas, une femme reine pour ses filles et ceux qui l'aiment d'un amour inconditionnel. Une mère Fugitive parce que reine.

9 novembre 1989, le mur de Berlin s'écroule. Elsa a douze ans, Violaine en a dix. Ni l'une, ni l'autre ne comprend ce qui est en train de se jouer. Au même moment, c'est leur mère, Catherine, qui s'effondre. Maniaco-dépressive, elle est internée à Sainte-Anne. Les deux fillettes sont habituées. Leur mère a toujours été fantasque. Elle a toujours vacillé. Trop de souffrance, trop de folie, trop d'excès en tous genres. Mais tellement d'amour entre cette mère et ces deux petites filles. La première les aime à la folie, les secondes feront tout leur possible pour protéger cette femme fragilisée. 

Violaine Huisman évoque sa mère à travers ses yeux d'enfant puis, c'est en adulte qu'elle s'efforce d'expliquer, de retracer la vie de cette femme excessive et extravagante. Elle raconte les crises qui succèdent aux folles déclarations d'amour et inversement. Elle raconte le parcours de vie d'un être non désiré à la santé fragile, élevé par une mère célibataire et distante. Un être qui finira par devenir une belle femme constamment en quête d'amour et de reconnaissance. Une femme qui multipliera les histoires d'amour, les expériences en tous genres, une femme insaisissable, hors du commun. Une femme qui deviendra mère. Une mère qui aimera ses deux filles à la folie et qui les embarquera dans le tourbillon de sa vie.

Fugitive parce que reine est une folle histoire d'Amour entre une mère et ses filles. Violaine Huisman explore ses sentiments sans pathos, sans concessions. Le tout est drôle et tragique à la fois, élégant, dérangeant. L'écriture est juste, tantôt poétique et légère, tantôt violente et grave. Fugitive parce que reine est un premier roman parfaitement maîtrisé, bouleversant. Un premier roman à découvrir.

Belle lecture !

dimanche 30 septembre 2018

Mon avis sur "Le voleur de voitures" de Theodore Weesner

Publié aux États-Unis en 1972, vendu à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires, Le voleur de voiture est un classique de la littérature américaine. Il est paru en France pour la première fois en 2015, disponible depuis un an aux Éditions du Livre de Poche. L'occasion était trop belle pour découvrir cet incontournable.

Alex, seize ans, fils de prolétaire, promis à en devenir un à son tour, vient de voler sa quatorzième voiture. Pas pour la revendre, non, juste pour conduire, s'évader d'un quotidien morne, coincé entre sa scolarité qui ne l'intéresse pas, un père alcoolique, ouvrier chez Chevrolet et une mère partie ailleurs avec son petit frère. Désespérément seul et rongé par le sentiment de honte, Alex s'invente une vie au volant d'une Buick Riviera et autres bolides jusqu'au jour où il se fera attraper par la police. Direction la maison de correction. 

Le voleur de voiture est un roman d'apprentissage, un roman tendre qui contrairement à ce que l'on pourrait croire ne s'attarde pas sur la délinquance des jeunes. Non, ce roman se concentre sur l'essentiel, l'amour. L'amour qui unit un fils à son père. Largement inspiré de sa jeunesse, Theodore Weesner dédit son roman à cet homme dont personne ne se souvient précise t-il. Cet homme, c'est son père. 

Avec beaucoup de pudeur et de retenue, Theodore Weesner nous livre un récit poignant évoquant la mélancolie de sa jeunesse, la solitude de son adolescence, la maladresse d'un père imbibé d'alcool. A partir de son histoire, il parvient à créer un personnage universel, un adolescent paumé qui sombre dans la délinquance sans même en avoir conscience. Il tresse un roman initiatique sensible et émouvant sur les relations père-fils, sur l'apprentissage de l'amour à l'adolescence, la recherche du frère perdu et la fin de l'enfance.

Paré d'une écriture sans fard, Theodore Weesner distille une sensibilité contenue qui fait de son roman Le voleur de voitures, un roman inoubliable. Un conseil, lisez-le !

Belle lecture !

lundi 3 septembre 2018

Mon avis sur "Vivre ensemble" d'Émilie Frèche

Vivre ensemble est le quatorzième roman d'Émilie Frèche. Autofiction, il aborde essentiellement les difficultés à refonder une famille, les relations conflictuelles entre enfant(s) et beau(x)-parent(s). Lorsque l'on sait qu'un enfant sur dix vit dans une famille recomposée, on imagine l'écho que va avoir ce titre de la rentrée littéraire 2018.

Il y a des événements qui précipitent certaines décisions. Parce qu'elle a échappé aux attentats du 13 novembre 2015, Déborah décide de sauter le pas et d'emménager avec Pierre, son compagnon. Ils ont chacun un fils. Léo est le fils de Déborah, Salomon celui de Pierre. Une semaine sur deux, c'est ensemble qu'ils vont devoir vivre dans le nouvel appartement parisien. La première fois qu'ils se sont vus tous les quatre, Salomon, pris d'une rage folle, a hurlé qu'il détestait Déborah et son fils. Il les a même menacés avec un couteau de boucher. Welcome ! 
Alors que l'on ne cesse de nous rabattre les oreilles avec le vivre ensemble, au sein de cette famille recomposée, une difficile cohabitation s'annonce.  

Vivre ensemble est un roman résolument contemporain qui aborde des thèmes aussi variés que le traumatisme post-attentats, la jungle de Calais et le statut des réfugiés, le racisme ordinaire dont sont victimes certaines communautés, les relations entre parents séparés et celles avec les enfants nés d'une précédente union, le tout vu du prisme d'une famille qui tente de se (re)composer. La psychologie des personnages nous est révélée au fil des pages et surtout au gré des crises de Salomon, un véritable terroriste dans son genre. La tension au sein de cette nouvelle tribu qui essaie de s'apprivoiser est palpable, elle monte crescendo.

C'est à travers des sujets éminemment d'actualité qu'Émilie Frèche évoque la difficulté pour des êtres humains à cohabiter, à partager un territoire dans ce qu'il a de plus intime, qu'il s'agisse des réfugiés, des communautés d'origines religieuses différentes, des membres d'une famille qui tente de se (re)fonder. 

Vivre ensemble m'a fait penser à Chanson douce de Leïla Slimani à l'exception toutefois de la fin. Si l'issue du prix Goncourt 2016 était connue dès les premières pages, celle du dernier roman d'Émilie Frèche est ouverte et laissée à la libre appréciation du lecteur. Hormis cette divergence, ces romans sont proches, tant dans l'écriture, l'ambiance et le rythme. De surcroît, les personnages sont issus du même microcosme. Quoi qu'il en soit, je souhaite à Émilie Frèche de connaître le même sort que Leïla Slimani. Une chose est sûre, c'est que durant cette rentrée littéraire, on parlera de Vivre ensemble et pas uniquement dans les programmes et les milieux politiques...

J'adresse tous mes remerciements aux Éditions Stock et à NetGalley pour cette lecture en avant-première que j'ai particulièrement appréciée.

Belle lecture !

vendredi 31 août 2018

Mon avis sur "Hiver à Sokcho" d'Élisa Shua Dusapin

Lorsque les Éditions Folio m'ont contactée pour me proposer de découvrir en avant-première un de leurs coups de cœur, c'est avec impatience et une certaine attente que j'ai commencé Hiver à Sokcho, le premier roman d’Élisa Shua Dusapin qui a obtenu le prix Robert Walser 2016 ainsi que le prix Révélation SGDL 2016. 

C'est donc à Sokcho, petite ville portuaire coincée entre la Corée du Nord et du Sud que j'ai rencontré cette jeune femme  franco-coréenne qui rêvait d'un ailleurs dans une modeste pension. Venue s'abriter des regards le temps que les traces de sa chirurgie esthétique s'estompent, chaque jour, elle cuisinait pour les rares visiteurs désireux de s'isoler du monde. L'arrivée d'un français, auteur de bandes-dessinées, a rompu la monotonie de l'hiver. Ces deux êtres aux cultures si différentes, en quête d'absolu, se sont observés, se sont frôlés à mesure que l'encre coulait. Un lien fragile est né entre eux.

Autant vous prévenir de suite, en hiver à Sokcho il ne se passe pas grand chose. Si l'été cette ville est une station balnéaire, l'hiver on y vient uniquement pour se retirer du monde, pour fuir, s'isoler. A Sokcho, on ne fait qu'attendre et on contemple le temps qui s'écoule lentement, très lentement. Alors lorsqu'un touriste débarque de France, c'est une attraction à lui seul. On l'épie, on cherche sa compagnie. Le jour, tantôt les corps se frôlent, tantôt ils s'évitent. La nuit, seuls les grattements de la plume et le froissement des feuilles de papier troublent le silence assourdissant. Dès lors, pour mieux supporter ce froid, combler de vie abyssal, une fragile relation faite de non-dits et de regards furtifs va se nouer entre cette jeune métisse et ce dessinateur.

Hiver à Sokcho est un court roman d'atmosphère qui nous plonge dans un huis clos empli de vide et de mélancolie. L'écriture d'Élisa Shua Dusapin est simple, excessivement dépouillée, pure. Les phrases et les chapitres sont tellement courts, que finalement, c'est entre les lignes que ce livre se lit. Et c'est ce qui fait toute sa force. Tout est suspendu, le temps, les mots. Ce roman n'est que silence et suggestion. 

Belle lecture !

lundi 27 août 2018

Mon avis sur "Les filles au lion" de Jessie Burton

C'est autour d'une maison de poupée que l'intrigue de son premier roman Miniaturiste était bâtie. Pour son second roman, Jessie Burton a choisi une toile de maître, un tableau énigmatique baptisé Les filles au lion.

Londres 1967. Arrivée des Caraïbes cinq ans plus tôt, Odelle Bastien se rêve écrivain mais peine à trouver ses marques. Sa vie bascule lorsqu'elle décroche un poste de dactylo dans une galerie d'art et rencontre la charismatique Marjorie Quick, qui lui redonne confiance et l'incite à écrire. Parallèlement, Odelle fait la connaissance de Lawrie Scott, un charmant jeune homme qui possède un magnifique tableau dont il ne sait rien, si ce n'est qu'il appartenait à sa mère. Sur les conseils d'Odelle, il l'apporte à la galerie. Intriguée par la réaction de  Marjorie qui semble particulièrement troublée par cette toile, Odelle décide d'en savoir un peu plus. Sa curiosité va la mener dans l'Andalousie des années trente alors que la guerre d'Espagne s'apprête à éclater.

Les filles au lion est un pont spatio-temporel qui relie deux lieux, deux époques, le Londres des années soixante et l'Espagne des années trente, mais également deux personnages féminins hauts en couleurs, déterminés, cultivés et férus d'art, Odelle et Odile. L'une doit faire face au racisme ordinaire, l'autre doit lutter contre les préjugés et les mentalités d'une toute autre époque. Toutes deux doivent  redoubler d'efforts pour vivre leur passion, pour que leur talent soit reconnu à leur juste valeur. Gravitent autour de ces deux héroïnes, de beaux personnages tout aussi fascinants qui permettent d'aborder des thèmes tels l'amour, l'amitié, la trahison, la création, l'engagement, la liberté et surtout la condition féminine. L'auteure met notamment en exergue la difficulté pour les femmes de s'émanciper, de s'affranchir du carcan social pour vivre pleinement leur passion artistique. 

Aucun doute, Jessie Burton a non seulement le sens du romanesque, du détail mais également celui de l'histoire. Elle sait faire monter la tension au gré des allers retours entre les époques et les lieux, capter l'attention du lecteur et l'immerger dans deux mondes que tout semble a priori opposer mais qui sont éminemment liés. Les filles au lion est un roman bien rythmé, dont l'intrigue est parfaitement construite. Et pour ne pas gâter notre plaisir, l'écriture de Jessis Burton est fluide, précise, soutenue.

Sans aucun doute, Les filles au lion est une fresque à découvrir. 
Un grand merci aux Editions Folio.  

Belle lecture !

mercredi 22 août 2018

Mon avis sur "Poupée volée" d'Elena Ferrante

Décidément, j'ai du mal avec Elena Ferrante... Souvenez-vous je suis l'une des rares à ne pas avoir été embarquée par sa saga L'amie prodigieuse que j'ai finalement abandonnée à peine le second tome achevé. J'avais dans ma PAL Poupée volée, alors cet été sur la plage, j'ai récidivé.

Leda est enseignante à l'université de Florence. Seule depuis que ses deux filles sont parties rejoindre leur père au Canada, elle passe quelques semaines au bord de la mer. Parmi les estivants qu'elle observe chaque jour sur la plage, elle s’intéresse à une véritable tribu. Elle se lie d'amitié avec Nina, une jeune femme mariée à un homme plus âgé et à sa fille Elena. Cette rencontre constitue pour Leda l'occasion de réfléchir aux rapports qu'elle entretient avec ses propres filles, qu'elle a abandonnées pendant trois ans alors qu'elles étaient encore petites, mais également à une maternité qu'elle n'a jamais pleinement assumée. Tout s'accélère lorsque la petite Elena perd sa poupée et que Leda constate que c'est toute une famille qui se mobilise pour la retrouver. Mais pourquoi Leda a-t-elle substitué la poupée ? 

Poupée volée est l'un des premiers romans d'Elena Ferrante. Il a été publié chez Folio alors que le troisième opus de sa célèbre saga napolitaine était attendu. Si l'écriture et le style de l'auteure ne sont pas désagréables, c'est le mal-être et l'univers dans lequel évolue cette femme au demeurant parfaitement restitués, qui rendent la lecture de ce court roman pesante. En effet, qu'est-ce qui a poussé Leda à voler la poupée de cette petite fille ? Qu'est-ce qui pousse cette même femme à participer activement à la battue qui est organisée sur la plage pour la retrouver ? On ne le sait pas vraiment, mais son geste insensé est le catalyseur d'une introspection, d'un huis clos entre le passé et le présent de cette femme qui oscille entre raison et la folie. Elle, qui n'a pas su accueillir la maternité, qui n'a pas su concilier vie professionnelle et vie familiale, qui a fait le choix d'abandonner ses filles, jalouse cette jeune femme qu'elle observe et qui développe des liens maternels forts avec sa petite fille. Leda est torturée par les rapports mère-filles, c'est une mère dénaturée. 

On referme Poupée volée avec une étrange impression de malaise. J'ai dans ma PAL un autre roman d'Elena Ferrante, Les jours de mon abandon, j'avoue ne pas être pressée de le lire.

Belle lecture !

vendredi 10 août 2018

Mon avis sur "Une vie comme les autres" de Hanya Yanagihara

Je vous l'accorde, l'épaisseur d'un roman ne garantit pas sa qualité, pas plus qu'apparemment sa visibilité. En effet, certains romans bien que volumineux (816 pages quand même !) parviennent à passer inaperçus ou presque... C'est typiquement le cas de Une vie comme les autres, le premier roman de Hanya Yanagihara à être traduit en français. Il l'a déjà été dans vingt-trois pays, a conquis plus d'un million de lecteurs dans le monde, mais reste assez confidentiel chez nous. Et pourtant, il mérite de caracoler en tête des ventes. Mon défi du jour, vous convaincre de plonger dans ce pavé. 

Une vie comme les autres, se  déroule exclusivement dans le New York aisé des années 1980 à 2010. Trois décennies durant, Hanya Yanagihara nous propose de suivre la vie d'un quatuor masculin venu conquérir NYC. Willem, Malcom, JB et Jude étaient colocataires lorsqu'ils étaient à l'université. Brillants, chacun d'eux excellera dans leur domaine. L'un deviendra architecte, un autre peintre, avocat ou encore comédien. Ces quatre amis resteront liés jusqu'à leurs vieilles années. Leur relation, qu'elle soit collective ou individuelle, évoluera au fil du temps mais surtout autour de Jude, un personnage pour le moins mystérieux.

Une vie comme les autres c'est quatre trajectoires croisées mêlant réussites et échecs. Quatre trajectoires qui peuvent en premier lieu donner une impression plutôt agréable au lecteur de déjà lu. Mais Une vie comme les autres n'est pas un roman comme les autres, au fil des pages sa vraie nature est révélée au lecteur. Il mute, devient intime, intensément douloureux dès lors que l'énigmatique Jude entre en scène avec son corps scarifié qu'il s'évertue à cacher sous d'amples vêtements.

Une vie comme les autres est non seulement un bel hymne à l'amitié masculine, mais il est surtout un roman d'une puissance psychologique telle que le lecteur est complètement happé par la souffrance du personnage principal. On endosse son passé traumatique, son mal-être, ses espoirs, son désespoir. Tout en finesse, Hanya Yanagihara interroge notre disposition à l'empathie et à l'endurance à la souffrance, c'est une véritable descente dans les tréfonds de l'âme humaine qu'elle nous propose. Une vie comme les autres est un roman intense, profond, bouleversant dont on ne sort pas indemne. Quant à l'écriture de Hanya Yanagihara, elle est fluide, parfaitement aiguisée, fine et tranchante comme une lame de rasoir.

Un conseil, ne passez surtout pas à côté de ce roman captivant.
Belle lecture !

jeudi 2 août 2018

Mon avis sur "L'autre qu'on adorait" de Catherine Cusset

L'un l'a chanté, une autre l'a écrit. Oui, avec le temps, avec le temps, va, tout s'en va, L'autre qu'on adorait, qu'on cherchait sous la pluie, l'autre qu'on devinait au détour d'un regard  entre les mots, entre les lignes, et sous le fard d'un serment maquillé, qui s'en va faire sa nuit...

Thomas est cet autre. Il était l'ami et un temps l'amant de Catherine Cusset. Il est parti, il n'avait même pas quarante ans. Parce que de tous ses amis c'est celui qu'elle  aimait le plus, celui qui la faisait sentir plus vivante grâce à ce quelque chose d’exceptionnel qui l’illuminait, le rire. Mais Thomas n'a pas toujours eu envie de rire. Il n'a pas ri lorsque par deux fois il a raté le concours d'entrée à Normale Sup alors que ses amis réussissaient et qu'ils se dessinaient un bel avenir. Non, Thomas n'a pas ri, il est parti vivre outre-Atlantique. Sa passion pour Proust alliée à sa culture  musicale et cinématographique  lui ouvriront les portes de l'université de Columbia, à New York. Un avenir prometteur semble  enfin se profiler pour Thomas. Il décroche un contrat d'enseignant à l'université, les jolies filles succombent à son charme. Le temps d'un instant, Thomas est heureux. Puis, progressivement le rêve américain se transforme en véritable cauchemar. Thomas s’enfonce dans la solitude qu’il crée comme malgré lui, à coups de sautes d’humeur, d'excès d'alcool, de maladresses, de caprices. Aux perspectives d'un bel avenir succèdent les échecs tant professionnels que personnels. Peu à peu, Thomas sombre jusqu'à perdre définitivement pied, jusqu'à perdre la vie.

L’autre qu’on adorait est une oraison touchante que Catherine Cusset a composée pour son ami disparu.  Á travers ses quelques pages, Catherine Cusset rend hommage à ce virtuose des échecs, à ce bipolaire tardivement diagnostiqué. Elle lui offre un tombeau qu'elle tapisse de velours rouge, de bulles de champagne, de notes de musique classique et de jazz et de quelques morceaux choisis de l'œuvre de Marcel Proust. Á titre posthume, elle rend à son brillant ami toute son épaisseur.

L’autre qu’on adorait est écrit à la deuxième personne du singulier pour mieux mettre en exergue la vie intérieure de cet autre. Il est construit pour nous faire comprendre au fil des pages ce qui a amené cet homme à défier les lois de la gravité. L'écriture de Catherine Cusset est fluide, musicale, classique, mais tellement agréable.

L'autre qu'on adorait, paru aux Éditions Folio a été distingué par la Communauté des blogueurs littéraires comme lauréat de l'été en poche 2018. Ce fut l'occasion de rencontrer Catherine Cusset et d'évoquer cet autre qu'elle adorait. Nous blogueur(euse)s, on a tout simplement adoré. L'autre qu'on adorait est à glisser dans votre valise si vous ne l'avez pas encore lu et Avec le temps de Léo Ferré est ma suggestion d'accompagnement.

Avec le temps - Léo Ferré 

Belle lecture (et ravie de vous retrouver après ces quelques mois d'absence) !

vendredi 2 mars 2018

Mon avis sur "Ce qu'il nous faut, c'est un mort" d'Hervé Commère

Le dimanche 12 juillet 1998, la France gagne la coupe du monde de football, le destin de toute une équipe a basculé. Les Champs Elysées s'embrasent au son du tube "I will survive". Ailleurs, d'autres destins vont chavirer. Aucun doute, Ce qu'il nous faut, c'est un mort.
 
I will survive, mais à quel prix ? Ça, la chanson ne le dit pas. Alors que la France fête sa victoire, 1, et 2, et 3 garçons pleins d'avenir ont renversé une jeune femme. Ailleurs, une étudiante s'est fait violer, un jeune flic a croisé son âme sœur et un bébé est né. Près de vingt ans plus tard, voilà que tous se retrouvent à Vrainville, en Normandie, concernés par la même cause. L'usine  centenaire de fabrication de sous-vêtements que Gaston Lecourt a fondé va fermer ses portes. Le temps est venu du rachat par un fonds d'investissement américain. Cybelle c'est l'emploi de la quasi-totalité des femmes du village depuis trois générations, l'excellence en matière de sous-vêtements féminins, une réussite et surtout, une famille. Le temps béni de Gaston Lecourt, ce fondateur aux idées larges et au cœur vaste est révolu. Cybelle va être délocalisée, ça signifie plus que la fin d'une belle histoire entrepreneuriale, la mise au ban, la galère et l'oubli. Le directeur et héritier de l'usine n'est autre que Vincent, l'un des trois amis d'enfance pleins d'avenir. Un autre est devenu maire de Vrainville, quant à Maxime, le troisième garçon, il est ouvrier mécanicien chez Cybelle et délégué syndical plutôt actif. Des trois, c'est lui qui sera le plus impacté par la vente de l'usine. Alors c'est décidé, puisque tout semble inéluctable et que personne ne parle d'eux, ils n'ont plus le choix : ce qu'il leur faut, c'est un mort.
 
Ne vous fiez pas au titre. Ce qu'il nous faut, c'est un mort  n'est pas un polar comme les autres, il est bien plus que cela.  Hervé Commère signe ici une formidable fresque sociale à la fois noire et lumineuse parce qu'éminemment humaine. Bien que toujours d'actualité, la thématique abordée sous fond de crise économique, n'est pas sans rappeler le combat mené par la classe ouvrière de Fralib ou encore de Lejaby. Mais le plus surprenant reste la construction du roman. En effet, tout commence comme un polar. Délit et crime s'enchaînent puis très rapidement on se retrouve vingt ans plus tard au cœur d'un petit village de Normandie à partager le quotidien de ses habitants. Très vite l'impression de lire un tout autre livre nous gagne, jusqu'à ce qu'une jeune fille qui a à voir avec le passé, ressurgisse. Présent et passé se mêlent, s'entremêlent pour mieux se dénouer.

Ce cinquième roman d'Hervé Commère est intriguant, captivant  et surtout particulièrement réussi. Aucun doute, Ce qu'il nous faut, c'est un mort.

Belle lecture !
 

mercredi 28 février 2018

Mon avis sur "Les vivants au prix des morts" de René Frégni

Il y a des auteurs qui marquent dès la première rencontre, René Frégni est de ceux-là. Je l'ai rencontré à l'occasion de la remise du Prix des Lecteurs Gallimard 2017 qu'il a remporté pour son dernier roman, Les vivants au prix des morts. Sa personnalité et son discours de remerciements, loin d'être rébarbatif et ennuyeux, ont de suite séduit l'assistance. C'est que René Frégni est un auteur singulier. Il a connu une existence mouvementée avant de se consacrer à l'écriture. Il a exercé divers métiers, dont celui d'infirmier psychiatrique et a longtemps animé des ateliers d'écriture à la prison des Baumettes. Il est l'auteur d'une quinzaine de romans, tous imprégnés de ses voyages et de son expérience avec des détenus. Les vivants au prix des morts  n'échappe pas à la règle.

À Marseille, René n’y va plus que rarement. Il vit à Manosque et  préfère marcher dans les collines de l’arrière-pays, profiter de la lumière miraculeuse de sa Provence et de la douceur de son Isabelle. Il va toutefois être contraint de retrouver la ville pour rendre service à Kader, un encombrant revenant. René a connu Kader  lorsqu’il animait des ateliers d’écriture à la prison des Baumettes. Kader  c'est une belle gueule de voyou spécialiste de l’évasion. Lorsque le 22 janvier 2016, René soulève le clapet de son vieux téléphone, il ne sait pas encore que ce simple geste va changer le cours de sa vie. Kader s'est une fois de plus évadé. Traqué par toutes les polices, en quête d’une planque, c'est à Manosque qu'il débarquera. Dès lors, il est à craindre que le prix des vivants soit fortement revu à la baisse…

Les vivants au prix des morts est le cahier rouge que René a commencé à noircir le 1er Janvier 2016 sous un cerisier glacé. Il le refermera le 25 décembre 2016, le sourire aux lèvres. Entre temps, René connaîtra le stress, l'angoisse, la peur. René, c'est un peu René Frégni lui-même. Il se met en scène. Il loue la douceur de vivre que sa Provence et sa douce Isabelle lui procurent. Il vante la beauté de la nature qui l'entoure, son amour des mots jusqu'au moment où une pointure du banditisme fera une irruption fracassante dans son monde au même titre que le danger. Commence alors un face-à-face entre le silence de l’écriture et celui des quartiers d’isolement, entre la petite musique des mots et le fracas des balles. Au fil de l’intrigue, René Frégni entraîne le lecteur de surprise en surprise, tout en célébrant de son écriture brutale et sensuelle la puissance de la nature et la beauté des femmes. En outre, Les vivants au prix des morts est un véritable plaidoyer contre la prison. Pour René Frégni personne ne naît monstrueux, ce sont les quartiers et les prisons qui rendent monstrueux.
 
Aucun doute, en mêlant sensualité et brutalité, René Frégni nous offre un magnifique roman noir contemporain dont les héros sont deux enfants de Marseille que tout semble opposer, si ce n'est leur profonde humanité. Les vivants au prix des morts est un roman à lire et René Frégni un auteur à découvrir.

Belle lecture !

jeudi 15 février 2018

Mon avis sur "L'ordre du jour" d'Eric Vuillard

Avoir entre les mains le dernier prix Goncourt génère forcément une certaine émotion, mais lorsque c'est un être cher qui vous l'a offert, celle-ci est d'autant plus intense. Bienvenue dans l'antichambre de la seconde guerre mondiale.
 
L'ordre du jour s’ouvre cinq années plus tôt, le 20 février 1933. Ce jour-là, ils étaient vingt-quatre, près des arbres morts de la rive, vingt-quatre pardessus noirs, marron ou cognac, vingt-quatre paires d'épaules rembourrées de laine, vingt-quatre costumes trois pièces, et le même nombre de pantalons à pinces avec un large ourlet. Vingt-quatre dirigeants des plus importantes entreprises allemandes (Krupp, Opel, Siemens…) sont reçus par Herman Goering et Adolf Hitler, chancelier depuis un mois. Lors de cette réunion, le Führer tient un discours simple : pour en finir avec le communisme et retrouver la prospérité, il doit remporter les élections législatives du 6 mars. Invités à financer la campagne du parti nazi, les vingt-quatre patrons versent sans sourciller leur généreuse obole. Une banale levée de fonds en somme qui permettra cinq années plus tard, à l'Allemagne nazie d'annexer l'Autriche, le fameux Anschluss.
 
C'est à coup de petites anecdotes, qu'Eric Vuillard nous embarque dans les coulisses de l'Histoire pour donner à voir l'envers du décor. Il épingle avec ironie et cynisme les petites lâchetés des grands hommes qui font et défont l’Histoire.
Le récit est aussi bref qu'incisif, la démonstration implacable. Eric Vuillard ne se limite pas à dénoncer la collusion entre politique et monde économique et financier. En 150 pages, il montre comment « les plus grandes catastrophes s’annoncent souvent à petit pas » et « soulèvent les haillons hideux de l’histoire".

L'ordre du jour est un  récit court mais puissant, intelligemment construit. Il alerte sur la manipulation des uns, la lâcheté des autres qui conduisent insidieusement à l'acceptation d'idées nauséabondes.
L'ordre du jour est à lire pour la plume d'Eric Vuillard et son érudition. Ce récit est clair et éclairant, pour autant, méritait-il le prix Goncourt ? C'est un tout autre débat qui n'est pas à l'ordre du jour et que l'histoire tranchera peut-être un jour...

Belle lecture !
 

vendredi 26 janvier 2018

Rock'n Books, Save The Date !

Parce que Lire c'est Rock !
The Fab's Blog lance la première édition de son Rock’n Books !
Le concept ?
Un café littéraire où l'on parlera littérature, où l'on échangera avec des auteurs de renom et où les dédicaces pleuvront...

Mais pas que...
Et justement, c'est ça qui est Rock !
Après l'échange, Let's Dance !
Le café littéraire sera suivi d'un concert Rock.

Pour cette première édition, j'ai l'immense fierté d'accueillir Henri Loevenbruck, himself ! Henri est l'auteur de l'excellent roman Nous rêvions juste de liberté. Une claque qu'il m'a mise. C'est simple je concluais ma chronique en disant que même atteinte d'Alzheimer, je me souviendrai  encore de Bohem et des Spitfires, c'est dire !
J'aurai également le plaisir d'échanger avec Erwan Larher. Il a écrit Le livre que je ne voulais pas écrire et reçu le prix des Lecteurs du Prix hors concours. Et vous savez quoi ? Ce n'est qu'un début. A mon humble avis, des prix il va encore en rafler ! Autant vous dire que je suis très honorée de sa présence.
Quant à Jean-Luc Bizien, vu le nombre de polars, de romans de science-fiction, de fantasy qu'il a écrit, j'ai plutôt intérêt à être à la hauteur de ses succès. Tout comme je dois l'être avec Mehdi Charef qui a écrit notamment, Le thé au harem d'Archimède et qu'il a adapté au cinéma, c'est que là ça ne rigole plus, on change de catégorie ! Quant aux autres auteurs, pour l'heure, je ne oeux encore rien dévoiler...
 
Et côté Rock ? C'est Harvest Blues Band qui nous fera vibrer sur les riffs Rock and Soul jusqu'au bout de la nuit... Alors, si vous aimez Lire, si vous aimez le Rock, un conseil, venez ! Mais, venez nombreux !
 
Et d'ici là, Belle lecture !